La reprise

Prologue :

Si le compte est bon, la reprise de cette chronique comporte aujourd’hui, dix-huit enregistrements dont on trouvera ici le compte-rendu d’écoute.
Pour faciliter la lecture voici la liste des musiciens (leaders) et titres des albums dans l’ordre « d’apparition »:

Lionel Martin « Solos » /  Eric Séva : « Mother Of Pearl »  / Aldo Romano : « Reborn » / Raphaël Pannier : « Faune » / Joël Rabesolo & Julien Marga : « Rahona » / Martin Joey Dine : « Both At Once » / Ferrucccio Spinetti & Giovanni Ceccarelli : « More Morricone » / Yves Rousseau : « Fragments » / Simon Moullier « Spirit Songs » / Le Deal (Yoann Loustalot) : « Jazz Traficantes » / Multiquarium Big Band (Charlier/Sourisse) feat. Biréli Lagrène : « Remembering Jaco » / Benjamin Faugloire : « L » / Dominique Fillon : « Awaiting Ship » / SPIME 2019 (Yoann Rossilio) : « Cosmic And Spontaneous Gestures / Sébastien Jarrousse : « Attraction » / We Are Birds : « No Return » / Camille Thouvenot : »Crésistance » / Marc Buronfosse : « Aegean Nights ».

Il ne faut bien sûr pas se fier au fait que l’on connaît ou non le (ou les) musicien(s), pas davantage qu’à un titre qui paraitrait incongru.
Il est étonnant que tous ces enregistrements, certes à des titres divers, à des degrés peut-être différents, pour toutes sortes de raisons, soient tous très réussis. (Précisons que cette appréciation ne résulte d’aucun conflit d’intérêt. Par les temps qui courent la prudence ne la matière est sans doute de mies)

 

Lionel Martin : « Solos »

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Cet enregistrement est l’une des choses les plus étonnantes que l’on puisse entendre aujourd’hui.

Sans doute même au point qu’il ne faille pas se hasarder à vouloir le décrire par les mots.
L’enthousiasme aidant on loue cependant le saxophoniste Lionel Martin, croisé avec l’excellent pianiste Mario Stantchev, il y a quelques années de cela à la librairie Musicalame à Lyon – librairie spécialisée dans les livres liés d’une façon ou d’une autre à la musique. Il nous avait offert un jeu impressionnant et généreux.
C’est ce qu’il fait ici avec une inventivité décuplée.

Sous une pochette signée du peintre Robert Combas (lui aussi lyonnais) on ne trouve que l’inattendu. Il y a des musiques qui prétendent faire ceci mais qui, souvent n’y parviennent pas, pour des raisons innombrables.

Il suffit ici d’une mesure ou deux pour être pris, emporté disons mieux, par le flux des saxophones de Lionel Martin et pour découvrir des mondes inconnus.

Les enregistrements ont été faits aussi bien en extérieur, sous une éolienne, que dans le métro, ou les pieds dans la Loire, en studio ou dans un grenier. Grâce au travail de Bertrand Larrieu qui est aussi le directeur artistique de ces « Solos » (Cristal Records / Believe) ce qui signifie sans doute qu’à lui aussi, nous devons beaucoup. Comme à l’incessant travail de Lionel Martin.

Depuis plus de trente ans.

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Eric Séva : « Mother Of Pearl »

eric-seva-mop-pochette-300x300-300x300 Aldo Romano

Ce n’est pas d’aujourd’hui que l’on connaît le talent d’Eric Séva. A-t-il ici franchi un nouveau degré ? Ce n’est pas ainsi que l’on mesure la musique. Celle d’Eric, est à la fois pensée, résultat sans doute d’une maturité, mais aussi d’une manière simple, presque naturelle, d’offrir ce qu’il porte en lui. Et cela ne peut que réjouir celles et ceux qui s’abandonneront à « Musique Of Pearl » (Les Z’arts de Garonne / L’autre distribution).
Il y a dans cet enregistement le souvenir de la rencontre entre Gerry Mulligan et Astor Piazzolla pour « Summit », un  disque qui est resté dans beaucoup de mémoires depuis qu’il apparut en 1974.

Ici, c’est Daniel Mille qui joue de l’accordéon, tandis qu’Eric Séva joue du baryton ou du soprano où il excelle aussi. Les trois autres musiciens de cet enregistrement sont le pianiste Alfio Origlio, le contrebassiste Christophe Wallemme et le batteur et percussionniste Zaza Deisderio.

Parmi tous ses thèmes qui nous font souvent voyager on notera avec bonheur l’hommage aux anciens cités plus haut avec une sorte de mix de deux thèmes sur la plage huit et sous le titre « Summit, Close Your Eyes And Listen ». A ne pas manquer assurément. Et enfin, quand un des titres s’intitule « Luz d’Eus » et que l’on habite tout près de ce village être celui qui, de toute la France, est le plus souvent dans la vigueur du soleil…

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Aldo Romano : « Reborn »

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Quel impeccable musicien, quel batteur à l’intelligence aigüe, à la lueur malicieuse, à la discrétion enchantée !

Aldo Romano, on devrait le porter aux nues, celles du monde du jazz, de la musique tout entière et on devrait lui assurer le triomphe d’un empereur du monde qui alors irait sans aucun doute bien mieux.                                                                       Même s’il ne tournerait peut-être pas toujours rond. Car tel n’est pas le but du monde des hommes…

Avec « Reborn » (Le Triton / L’autre distribution) Aldo revisite les musiques qu’il a joué et qui, souvent (six d’entre elles sur les dix qui composent cet album) ont marqué son itinéraire de musicien passionné. Il les revisite et nous les fait revivre magnifiquement. Avec, auprès de lui, des amis de longtemps.
Il y a ici Michel Bénita (b), Glenn Ferris (tb), Yoann Loustalot (tp), Géraldine Laurent (sax), Mauro Negr (cl), Henri Texier (b), Jasper Van’t Hof (p, claviers), Daryll Hall (b), Enrico Rava (tp) et Baptiste Trotignon (p). Un grand et bel équipage pour traverser le temps.

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Raphaël Pannier : « Faune »

71boblkda3l._sl1181_-300x300 Benjamin Faulgloire

Voici un autre enregistrement qui vaut plus que le détour, comme l’on dit trop facilement.

Il vaut, celui-ci, que l’on s’y attarde, qu’on l’écoute avec passion, qu’on ne s’en sépare plus ! « Faune » (French Paradox / L’autre distribution) commence par une magnifique version du « Lonely Woman » d’Ornette Coleman. « Magnifique » assurément. Mais surtout vivante,brutale et soyeuse, vibrante et immobile. Comme l’aurait aimé son inventeur. Quelle parenté y a-t-il alors avec le « faune » de Mallarmé et celui de Debussy ! Peut-être celui de Faulkner aussi ou de quel autre sans doute !

Raphaël Pannier est batteur et compositeur (sept des douze thèmes de cet enregistrement) et nous offre ici un moment de musique qu’on ne pourra oublier. Il y rencontre Maurice Ravel avec une pièce extraite du « Tombeau de Couperin ». Et aussi Olivier Messiaen (« Le baiser de l’enfant Jésus ») ou encore Wayne Shorter avec le fameux « ESP » revu et corrigé en trois parties dont seule celle, centrale, est créditée au saxophoniste, Pannier ne s’étant sans doute qu’inspiré de cette célèbre pièce pour l’introduction et pour ce qu’il ne faut sans doute pas considérer comme une conclusion, mais plutôt comme une ouverture sur un monde encore lointain…Là aussi se trouve l’intelligence de ce batteur hors normes.
Raphaël Pannier s’est entouré d’un « band » de haute valeur avec Miguel Zenon comme directeur musical et saxophoniste, Aaron Goldberg ou Giorgi Mikadzé (pour les thèmes de Messiaen et Ravel) ainsi que le très beau et surprenant « Monkey Puzzle Tree » signé du batteur lui-même, et enfin François Moutin à la basse.

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Joël Rabesolo & Julien Marga : « Rahona »

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C’est une sorte de mélange mais plus encore d’harmonie, d’entrelacements incessants créant une sorte de toile. Aussi bien c’est un monde fait de plusieurs mondes. Étrange mais en rien étranger. Fraternel au contraire. Ce sont les guitares du Malgache Joël Rabesolo (également percussionniste) et du Français Julien Marga qui font de « Rahona » ce paysage, à la fois présent, proche de chacun d’entre-nous mais aussi comme lointain et sans cesse en train, non pas de nous échapper mais de rester insaisissable et ainsi de susciter sans fin le désir.

Il y a ici du Ralph Towner autant que du Bill Frisell, quelque chose de John Scofield il y a longtemps. En tout cas, il n’y a dans « Rahona » (Homerecords.be / L’autre distribution) que de belles musiques, intérieures, mais comme « visuelles » pourtant : qui inventent les images que nous croyons voir, que nous voyons !
Les deux guitaristes s’entendent à la perfection et les musiciens qui les accompagnent sont à leur juste place : la contrebasse de Nicolas Puma et la batterie de Lucas Vanderputten assurent cette présence constante et solide, qui permet aux éclats et à la lenteur, aux brumes et au temps qui s’écoule, de nous apparaître à chaque instant. Il y a aussi le beau saxophone de Manuel Hermia sur trois titres.

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Martin Joey Dine : « Both At Once »

84231637_2568042093324912_3474206884049715200_n-300x297 Biréli Lagrène

Il a vingt-huit ans, il est français, il est pianiste, il a composé tous les titres de son quatrième album (sauf bien sûr « All The Things You Are », trop fameux pour passer inaperçu).

Et c’est une surprise. D’autant plus que, même si cela n’a rien à voir, il y a un tel « écart » entre ce que semble dire le graphisme de la pochette de « Both At Once » (Anagram) et la réalité de la musique qui nous est proposée.

Ne nous fions donc pas aux apparences et laissons nous emporter par l’enthousiasme d’un jazz, somme toute assez « classique ». Mais non pas sans surprise. Par un « groove » toujours présent, par des compositions d’aujourd’hui mais qui revivifient à chaque instant la tradition. Le tout impeccablement interprété par tous les musiciens et musiciennes ou chanteuses. Et, au bout du chemin, c’est un régal !

Autour du pianiste on entend Yen Ting Lo (chant), Lucas Martinez (ts), José Soarez (as), Lea Cieckelski (fl), Pierre Balda (contrebasse), Roope Kantonen (batterie)

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Ferruccio Spinetti & Giovanni Ceccarelli : « More Morricone »

more-morricone-copertina-300x270 Camille Thouvenot

C’est à un voyage au cœur de la musique d’Ennio Morricone que nous invite cet enregistrement. « Au cœur », parce que nous la connaissons surtout, cette musique, dans des versions « orchestrales » et surtout « cinématographiques » – illustrant en quelque sorte des images, à moins que ce ne soit le plus souvent celles-ci qui rendaient alors cette musique, sinon comme visible, du moins encore plus vivante.

Et parce qu’ici, les deux musiciens et parfois (sur cinq thèmes) la voix de Chrystel Wautier, la dépouillent, la rendent presque nue et lui donnent ainsi sa lumière et toute sa force, sa beauté sans doute.

Il y a donc en effet, quelque chose de plus dans ce « More Morricone » (Bonsaï Music / L’autre distribution). Quelque chose de plus avec quelque chose en moins. (Il est vrai que Ferruccio Spinetti est l’inventeur avec Petra Magoni de « Musica Nuda » dont on a souvent apprécié l’inventivité hors toute norme alors même que ce duo nous réjouit toujours.)

On se promène ainsi de film en film, de souvenir d’images, de dialogues. On passe du « Clan des Siciliens » à « Cinéma paradiso » ou à « Il était une fois la révolution » ou bien encore au plus récent « Django Unchained ». Mais ces souvenirs n’estompent en rien la musique elle-même. Et c’est sa présence, son intensité, autant dire sa beauté qui nous frappent et nous font rêver encore davantage que le cinéma lui-même. Décidément Morricone était un géant.

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Yves Rousseau septet : « Fragments »

fragments_yves_rousseau-300x269 Charlier

Sans doute, comme il l’affirme, le compositeur et contrebassiste Yves Rousseau s’est-il inspiré de ses années d’adolescence et, plus précisément, de la musique qu’il découvrait alors : celle de King Crimson, Pink Floyd, Soft Machine ou Genesis. Sans doute ; mais alors son imagination est débordante. Car c’est une musique originale qu’il nous offre aujourd’hui avec « Fragments » (Yolk Records / L’autre distribution). Il y a ici un feu, des embrasements, des couleurs étranges, incandescentes, même s’il y a, en conclusion, un moment de nostalgie (c’est le titre d’une pièce en deux parties) qui est peut-être celle du passé. Bientôt emportée par le flux de la vie. Et alors c’est Yves Rousseau, sa musique, sa personnalité, ses rêves, son propos tout entier que nous entendons. Sans doute aussi celui de ses musiciennes et musiciens, même s’il y a probablement une bonne partie d’écriture dans le travail impeccable du leader.
Ces « Fragments » ici assemblés sont une œuvre impressionnante, somme toute très heureuse, souvent joyeuse et turbulente. Servie par des interprètes que l’on sent enthousiastes et heureux de jouer la musique enchantée d’Yves Rousseau.

Géraldine Laurent (as), Thomas Savy (bcl), Jean-Louis Pommier (tb), Csaba Palotaï (g), Etienne Manchon (Rhodes et autres claviers), Vincent Tortiller (dm) entourent la contrebasse d’Yves Rousseau avec l’engagement qui fait de ce disque une remarquable réussite.

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Simon Moullier : « Spirit Song »

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Voici un vibraphoniste comme on en a très rarement entendu.

Il est certain que la technique de Simon Moullier est irréprochable. Il est tout aussi assuré que la sonorité qu’il invente est tout aussi hors normes. Ce sont deux qualités exceptionnelles qu’il faut reconnaître. Il en est une troisième tout aussi essentielle, celle de compositions de hautes valeurs, à la fois inscrites dans une histoire, celle d’un jazz somme toute « classique », si l’on veut désigner ici la musique la plus inventive des années soixante-dix ou quatre-vingt (free-jazz et jazz-rock mis à part) et l’on comprend ainsi l’enthousiasme d’Herbie Hancock (« Sa musique est fraîche, elle parle à tout le monde. Je n’ai jamais entendu quelqu’un jouer du vibraphone comme ça » dit le pianiste) et la référence à Wayne Shorter que fait Simon Moullier.

Enfin, parmi ce qui doit être relevé plus que tout, outre l’excellence de la prise de son et sans doute de toute la technique qui entoure la production, il faut noter enfin l’excellence des accompagnateurs du vibraphoniste. Ce « Spirit Song » (Outside In Music) a été enregistré en deux parties, l’une en novembre 2017, l’autre en mai 2020. Le pianiste Simon Chivallon se trouve sur la première, le pianiste Isaac Wilson sur la deuxième tandis que Luca Alemanno est à la contrebasse et Jongkuk Kim à la batterie. Deux saxophonistes sont invités : Dayna Stephens et Morgan Guerin. Chacun pour deux des neufs thèmes enregistrés.
Tout cela est très réussi. Il y a ici de beaux voyages à faire. On aurait peut-être aimé cependant un peu plus de surprises.

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Le Deal : « Jazz Traficantes »

a2889629964_10-300x300 Dominique Fillon

« Le Deal » c’est le nom que ce sont attribués quatre excellents musiciens.

Il y a tout d’abord Yoann Loustalot et son « flugelhorn ». On peut dire et redire dès maintenant, la sonorité, l’intelligence, l’imagination sans fin, la créativité pour être complet, de ce musicien dont la générosité semble sans limites.

Il est accompagné par trois instrumentistes de haute valeur : Florent Pélissier (p, Rodhes), Théo Girard (contrebasse) et Malick Koly (d).

Bien que tout ceci semble se terminer – si l’on en croit les titres des sept thèmes qui composent ce « Jazz Traficantes «  (Favorite Records – enregistré au studio Van Gelder) – par au moins une nuit en prison (« Noche en la carcel » est le titre qui clôt ce disque), il souffle ici un esprit de liberté à chaque seconde plus respirable que l’air lui-même. On s’y amuse en effet beaucoup comme sur le très réussi « Mexican Jaunkanoo Part 3 ». Et tout ceci nous emporte bien loin de musiques plus convenues comme on en entend ailleurs.

Nous voici dans un univers qui n’est pas toujours le nôtre (nous n’avons encore jamais goûté les geôles mexicaines, caramba!) mais que nous découvrons avec joie et aussi avec enthousiasme. Et il semble bien que les quatre hommes, liés sans doute par un accord peut-être secret mais à coup sûr particulièrement étroit, partagent eux-mêmes ce bonheur.

Entre-eux et assurément pour nous.

 

Multiquarium Big Band feat. Biréli Lagrène : « Remembering Jaco »

cover-cd-multiquarium-300x297 Eric Séva

A l’évidence ce n’est pas pour donner offrir un disque parmi d’autres qu’autant d’étoiles se sont réunies. Car en effet, si Jaco Pastorius est une star, d’autant plus vénérée qu’elle a quitté tôt notre univers, Biréli Lagrène (fretless bass) qui est parmi nous depuis son plus jeune âge et qui, d’entrée lui aussi, fut une étoile, certes encore montante, mais très vite très haute, Peter Erskine qui nous parle sur quatre plages, André Charlier (dm) et Benoît Sourisse (p, org Hammond) qui à eux deux forment une constellation comme les Dioscures le firent depuis la nuit des temps, ne sont guère en reste, le mythe peut-être en moins. Ce qui, finalement, leur donne à la fois une responsabilité, une honorabilité concrète en quelque sorte, et aussi une responsabilité pourrait-on dire, celle de faire vivre toujours et encore la musique.

Il faut dire qu’ils y réussissent de façon impeccable. Le « Multiquarium Big Band » n’y étant pas pour rien !

Celui-ci, outre les deux « leaders » précédemment cités, comprend quand même quinze musiciens, ce qui constitue une taille rarement atteinte par les temps qui courent. Parmi eux il est difficile de tous les citer, Claude Egéa (tp), Stéphane Guillaume (as, cl), Fred Borey (ts), Denis Leloup (tb), Pierre Perchaud (g) et Nicolas Charlier (perc) sont bien sûr des noms que l’on retient. On ne doit pas oublier cependant l’intervention vocale de Yannick Boudruche sur « Fanny Mae ».

Sans aucun doute cet hommage, « Remembering Jaco » (Naïve / Believe), est-il parfaitement réussi. Même si le retour à la musique du bassiste de Weather Report lui-même demeure toujours la voie originale.

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Benjamin Faugloire Project : « L »

118388252_10158781652053713_7467449726954426975_n-296x300 Federico Spinetti

Cela fait au moins dix ans qu’existe le « Benjamin Faugloire Project » ce trio composé du dit Benjamin Faugloire au piano et toujours et chaque fois depuis sa création par Denis Frangulian (b) et Jérôme Mouriez (dm). Cela fait ainsi plus d’une décennie que ce groupe joue les compositions du pianiste et rien d’autre.

Ils se présentent comme un « groupe au sens pop-rock du terme mais qui joue du jazz ». Est-ce si juste que cela ? Il est aussi fait référence par eux-mêmes à la musique world si j’ai bien compris. On pourrait dire que tout cela est juste. Mais aussi l’inverse. Tant il y a ici de singularité. En tout cas, d’inclassabilité (si ce barbarisme peut s’entendre!)

Il faut ici entendre chaque note. C’est-à-dire écouter avec toute l’attention dont est capable. Car c’est cela qui distingue le BFP, la méticulosité, la discrétion, l’attention soutenue, discrète, subtile, infiniment attentive au moindre battement du temps, à la plus petite inflexion du propos. Aussi, tout ce qui nous est offert avec tant de délicatesse et d’attention, est-il à recevoir avec d’infinies précautions. Là réside la richesse de cette musique.

« L » (Jazz Family / Socadisc) est belle réussite qui ne peut se faire que sans tapage. Hors des courants du temps qui emporte trop de choses sur son passage et semble inexorable.

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Dominique Fillon : « Awaiting Ship »

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Il y a des musiques qui vous bouleversent, qui bouleversent l’ordre des choses ou même du monde. Il y en a d’autres qui, plus sages peut-être, ont en elles le bonheur d’être là. Qui contribuent à vous rendre heureux. Sans doute parce qu’elles le sont elles-mêmes. Moins inquiètes que d’autres (sinon pas du tout) elles passent parfois inaperçues. Ce n’est pas le plus mal qui puisse leur arriver. Parfois c’est la moquerie qu’elles affrontent. Elles ont souvent l’intelligence de ne pas même s’en offusquer. Elles poursuivent alors leur chemin.

Si l’on écoute Dominique Fillon et son « Awaiting Ship » (Klarthe Records / Banco Music), si on l’écoute d’une oreille un peu distraite on risque de manquer un beau paysage, de douces sensations. Et pas seulement : avec des inventions discrètes qui sont d’autant plus étonnantes que, précisément, elles ne proviennent d’aucun « effet ».

Le pianiste est ici entouré d’Alex Boneham (b) et de Dan Schnell (dm). Pour deux thèmes il est rejoint par Sylvain Gontard (tp, bgl) et pour deux autres par un beau quatuor à cordes avec Akemi Fillon au premier violon.

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SPIME 2019 : « Cosmic And Spontaneous Gestures »

spime-300x253 Giovanni Ceccarelli

C’est à peu près à l’opposé que se situe cet enregistrement, celui du free jazz le plus actuel. (Mais quel jazz n’est-il pas « free »?). En tout cas, il y a ici de quoi se réjouir de façon dionysiaque, c’est-à-dire absolument vivante, n’en déplaise sinon à qui que ce soit, mais bien plutôt encore à tous les obstacles possibles, imaginables, inimaginables tout autant. Que les académiciens s’en retournent chez eux, car dans cette musique se sont toutes les possibilités, même les plus impossibles qui s’offrent à nous.

Ces « Cosmic And Spontaneous Gestures » (qui pourraient renvoyer à un titre de Charles Mingus ?) (Le Fondeur de Son LFDS) nous proposent parmi d’autres titres, une « Tension », d’inénarrables « Structuralismes hétérogéniques » (qu’il faut recommander absolument) et même un « Tourbillon ». C’est dire que l’on peut s’y brûler. Et c’est bien de cela qu’il s’agit : d’une musique brûlante que l’un de ses principaux instigateurs, le contrebassiste Yoram Rossilio, va parfois chercher du côté du Maroc et de ses musiques traditionnelles. Mais pour « l’orientalisme » façon oud et autres instruments tous aussi chargés d’histoire les uns que les autres, on repassera.

Et, sauf à avoir l’esprit un peu abattu, le regard s’arrêtant bien avant la ligne d’horizon, on s’emportera ou plutôt on se laissera emporter par cette musique qui n’a peur de rien et qui, assurément, aime l’énergie de la vie.

 

Sébastien Jarrousse : « Attraction »

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Il y a bien des musiques inclassables (on vient de le voir) et l’on en rencontre beaucoup dans le monde du jazz. C’est le cas ici avec cette « Attraction » (A.MA records / Socadisc) que nous propose le saxophoniste Sébastien Jarrousse. Cette musique est complexe. C’est ainsi qu’elle est captivante, qu’elle retient l’attention – mais plus que cela – qu’elle nous emporte sans trop le laisser soupçonner. Comme la voix magique d’Ellinoa dont nous avons déjà eu le plaisir ici, de souligner la beauté, le ferait presqu’à elle seule. Mais il n’y a pas que cela.

Il y a toujours et sans jamais défaillir, une justesse de son, d’harmonie ou plutôt de langage, d’articulation, d’émotions soutenues. L’écriture de chaque thème est, semble-t-il pesée. L’art, à ce sujet de Sébastien Llado, plusieurs fois crédité, n’y est pas pour rien. Le tromboniste est d’ailleurs présent sur plusieurs thèmes. Comme le saxophone alto de Gaetano Partipilo venu lui aussi rejoindre le quartet de Sébastien Jarrousse avec Pierre-Alain Gouach (p), Mauro Gargano (b) et Antoine Banville (dm).

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We Are Birds : « No Return »

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Ils sont trois : le pianiste et claviériste finlandais Tuomas A.Turunen, le bassiste et contrebassiste Emmanuel Soulignac et le batteur et percussionniste Dimitri Reverchon. Mais ils ont de nombreux invités : Hannah Tolf, Arnold McCuller, Corinne Drai, Blick Bassy et Laurence Stevaux (voc), Fausto Beccalossi (accordéon), Stéphane Guéry (g), et Ulrich Yul Edorh (claviers, glokenspiels, sifflements, voc et aussi producteur).

On peut se demander si la musique de ce groupe est « classable » sous l’appellation de jazz. Mais comme classer est une chose que nous laissons aux taxinomistes de tout poil et que nous n’aimons guère, comme le jazz, en outre, est déclassifiant, encore plus qu’inclassable comme nous venons de le dire, eh bien, il est très difficile de répondre mais plus encore de décrire. Et, en outre, il n’y a pas ici une seule musique, mais bien plusieurs.

On entend même sur « No Return » la voix du capitaine Thomas Sankara, président du Burkina Fasso (ex Haute-Volta) jusqu’à ce qu’il soit assassiné en 1987 à trente-huit ans, devant l’assemblée Générale de l’ONU ! Et on fera bien d’écouter ce qu’il dit ! Et d’essayer aujourd’hui et demain, de s’en souvenir.

A cet instant d’ailleurs, la musique de We Are The Birds semble se modifier, prendre une intensité qu’elle n’avait pas toujours auparavant. Et qui, jusqu’à la fin de l’enregistrement, ne la quittera plus.

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Camille Thouvenot : « Crésistance »

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C’est un propos de Stéphane Hessel qui, pour le pianiste lyonnais Camille Thouvenot, élève du magnifique Mario Stantchev, a permis d’imaginer, outre sa musique, le titre de ce disque. Ce mot du grand résistant que fut Hessel, grand amateur d’art également, n’est autre que « Créer c’est résister, résister c’est créer ».

Il faut en effet, écouter ça ! On découvrira sans doute ici un jeune pianiste, non seulement talentueux mais d’une inventivité étonnante. « Etonnante » car ce qui séduit dans ce « Crésistance » (Jinrikisha productions / Inouïe distribution) c’est précisément ce qui le différencie de ce que l’on entend souvent. Et de la voie choisie pour parvenir à nous surprendre : plutôt le respect de l’histoire du jazz que sa contestation, plutôt l’impeccable sonorité, plutôt l’imagination la plus claire et lumineuse, plutôt la pureté que l’étonnement de l’orage.

On retiendra ainsi tout autant que les belles compositions de Camille Touvenot, les reprises de thèmes infiniment entendus et comme saisies d’une nouvelle jeunesse : »Nardis », « On Green Dolphin Street », « Alone Together » ou « Caravan » et « Moment’s Notice ».

Le trio est sans faute, d’un équilibre de chaque mesure, de chaque note. Le batteur Andy Barron est, lui aussi, débordant d’imagination, d’inventivité. La chaleureuse contrebasse de Christophe Lincontang offre à la fois des couleurs somptueuses et chaleureuses et une cohésion qui ne se départit jamais.
Il faut accorder une place singulière au travail sans aucun doute méticuleux et précieux d’Audrey Podrini pour son « desing sonore » et ses « compositions électroacoustiques ».

Ici apparaissent de jeunes musiciens dont on ne peut espérer qu’une chose désormais, c’est que la « mécanique » du « système » leur permette de poursuivre un si clair chemin.

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Marc Buronfosse : « Aegean Nights »

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Le bassiste Marc Buronfosse a un sacré parcours derrière lui et c’est autour de la mer Egée qui lui est chère qu’il a conçu la musique qu’il nous offre aujourd’hui. Une musique envoûtante, qui nous enlace dans ses détours et ses atours comme si nous étions emportés sur une barque, sous une voile latine, dans les méandres imprévus de la côte ou peut-être plus loin au large, sous la lune et au profond de la nuit de ce côté oriental de la Méditerranée.

Cela sonne plus comme une musique de ce monde-là que de celui du jazz, même si le batteur et percussionniste Arnaud Biscay peut parfois nous faire oublier ces influences ou plutôt sans doute ce que recherche absolument le bassiste. Et c’est donc à une pluralité, une diversité de paysages que nous avons à faire ici, même si l’unité, au total, ne cesse d’être affirmée.

Pour inventer ces nuits de la mer Egée, pour réaliser ce bel enregistrement au titre évocateur, pour décrire ces « Aegean Nights » (Arts Culture Europe / Inouïe distribution) Marc Buronfosse, outre Aranud Biscay déjà nommé et qui joue un rôle majeur dans cet enregistrement, a fait appel à l’excellent vibraphoniste et claviériste Maxime Hoarau qui lui aussi est l’un des piliers de cette musique, à Rishab Prasanna (bansouri), Adrien Soleiman (ts), Andreas Polyzogopoulos (tp) et Jean-Philippe Carlot (poète).

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