La production de disques de jazz, au moins du point de vue artistique pour ne pas le dire du point de vue économique, ne semble pas particulièrement affectée par la situation actuelle. La création et la créativité sont toujours au rendez-vous et c’est bien sûr heureux ! Décidément le printemps est là avec aujourd’hui, dans un ordre d’apparition qui, (faut-il le préciser ?) n’a rien à voir avec un « classement » plus ou moins préférentiel. Il s’agit donc d’aller jusqu’au bout pour se faire peut-être une idée, en tout cas pour parcourir de façon pertinente ce qui nous a été offert à entendre. Bonne lecture (et bonnes écoutes). Et sans doute à bientôt dans les festivals, clubs et autres lieux et circonstances dédiés au jazz et à toutes les musiques…
On trouvera donc ci-dessous et dans le désordre (mais cités dans l’ordre ! – il faut suivre mais, parfois les partitons sont plus compliquées ou difficiles qu’il n’y paraît surtout dans le cas de musiques improvisées) : Hasse Poulsen & Thomas Fryland, Maurgo Gargano, David Tixier, Pierre Bertrand, Surnatural Orchestra, Daniel Gassin, Fabien Mary & The Vintage Orchestra, Sébastien Texier & Christophe Marguet, Dmitri Baevsky, Csaba Palotaï & Steve Argüelles et, pour finir Riviera.
Hasse Poulsen : « Dream A World »
Avec Thomas Fryland (tp, bugle) le guitariste Hasse Poulsen signe un disque dont la musique est aussi claire et pleine de lumière que le message.
On sait depuis longtemps déjà le courage de ce musicien venu un jour de Copenhague et qui fait depuis longtemps déjà pleinement partie de notre univers. Le courage comme musicien mais aussi comme citoyen engagé. Engagé sans aucun doute, mais seulement pour la liberté. Et sans doute ne conçoit-il guère sa musique sans cette démarche. Et cette dernière sans être l’acte lui-même, celui de la musique, du chant, de l’improvisation. Avec son excellent compagnon Thomas Fryland il s’accorde pleinement. Et leurs musiques sont impeccables de clarté, portant en elles, à chaque instant un enthousiasme qui emporte.
« Dream A World » (label Das Kapital Records) commence avec les temps qui changent désormais, ceux de Dylan, ils se clôturent avec Louis Armstrong et Bob Thiele et un si beau monde. En passant par « El pueblo » de Sergio Ortega, Leonard Cohen et son « Hallelujah » (« Il y a une grâce de lumière dans chaque mot » dit le texte de ctte musique), l’Hymne à la joie de Schiller et Beethoven – rien de moins ! – Roger Waters, John Lennon, Boris Vian, Oscar Peterson…et quelques autres. Et des compositions signées Hasse Poulsen.
On peut se demander si cela fait un disque de jazz à proprement parler. Mais qu’est-ce donc qui serait propre au jazz ? (On pourrait d’ailleurs se souvenir ici que le mot « jazz », initialement, désigne plutôt quelque chose de « sale » – on se souviendra à ce sujet des lieux où sont les nés les premiers accords de cette musique, lieux qui n’étaient pas particulièrement « propres » aux yeux des bien-pensants ; mais bref…) Si ce qui fait le jazz c’est un « esprit » plutôt qu’une manière, qu’une façon déterminée une fois pour toutes de faire, de chanter, de composer, d’inventer, alors « Dream A World » est au contraire un enregistrement pleinement, entièrement, « jazz ». Et puis, qu’il le soit ou non, qu’en avons-nous à faire si cette musique est aussi belle que remplie d’espoir ?
Mauro Gargano : « Feed »
La musique est sans doute une « nourriture ». Celle du bassiste Mauro Gargano et des autres membres du trio (le pianiste Alessandro Sgobbio et le batteur Christophe Marguet) est faite pour nous apporter bien plus qu’un instant de plaisir ou même d’évasion. Elle tend et tend ainsi à nous apporter quelque chose comme la force, le courage, l’énergie, les ressources qui font toute vie. C’est là une notion du partage qui mérite d’abord l’attention mais aussi, et au bout du compte, la reconnaissance. De la part des auditeurs que nous sommes. Entraînés ainsi cependant à être sans doute un peu plus : notre seule écoute devenant ainsi un échange. N’est-ce pas là tout ce que l’on peut attendre d’une invention, d’une création ? De la musique tout entière.
L’art du trio piano-basse-batterie est évidemment, dans l’univers du jazz, une référence. Comme telle pourtant, compte tenu de l’histoire qu’elle porte et emporte, l’assumer n’est pas si facile. Pour « Feed » (Diggin Music Prod/Absilone Socadisc) Mauro Gargano et ses amis sont allés chercher du côté de musiques aussi diverses et rares que celles de concertos pour piano de Prokofiev, de Craig Taborn, du rock de EL&P, de The Necks et Pat Metheny. Et aussi d’Ornette Coleman, Jim Black, The Bad Plus, Stefano Battaglia et bien d’autres. C’est hors des sentiers battus que se sont dessinées les voies de ce trio. Les emprunter avec lui, à ses côtés, c’est se nourrir d’une expérience nouvelle, souvent étonnante. Assurément passionnante. Elle se conclut sur un thème intitulé « Secret Garden » qui est, il faut le souligner, une improvisation dont les images variées ne cessent plus de surgir.
David Tixier : « Because I Care »
Voici un autre trio piano-basse-batterie et l’on ne s’en plaindra pas tant cette « formule » est à la source des plus belles créations du jazz. Les trois protagonistes de « Because I Care » (Cristal Records/Believe – le tout en version digitale) sont couronnés de multitudes de prix prestigieux. Leurs techniques mais aussi leurs forces d’invention à eux trois sont époustouflantes. Le pianiste David Tixier est d’une habileté étourdissante. Jérémy Bruyère le bassiste hors normes que l’on connaît bien. Quant à Lada Obradovic que l’on avait vu dans « The Eddy », une série Netflix, il y a quelques mois, en batteuse de jazz au look punk et au caractère bien trempé – elle traversait l’écran – se révèle ici aussi fascinante, à la fois par sa « présence » et son originalité mais aussi par sa « discrétion » ce que d’autres « drummers » ignorent parfois un peu.
Restent les trois interventions du chanteur David Linx, lui aussi titulaire de nombreux et prestigieux prix. Comme, à titre personnel, je n’ai eu que peu d’occasions de l’apprécier véritablement, je suis obligé de souligner que cet enregistrement, sauf sur le plan de la notoriété peut-être, n’a pas vraiment gagné à inclure du jazz vocal dans son programme. D’autant plus qu’il semble que ces trois pièces ne soient pas parfaitement en harmonie avec l’esthétique du groupe.
Dont il faut dire en revanche qu’elle mérite le détour, je veux dire l’attention, toute l’attention. Car il y a ici une aventure qui s’annonce : complexe, multiple, d’une richesse magnifique.
Pierre Bertrand : « Colors »
Le flûtiste et saxophoniste Pierre Bertrand a raison ! Les couleurs et les notes ont à voir ensemble. Pareillement ou presque. Lorsqu’on veut faire partager par les mots, par la langue parlée ou écrite, un tableau ou une musique on sait bien – les « critiques » ne font que ça ! – que l’on utilise les termes de la musique pour parler de peinture et réciproquement. Quand, évidemment, les deux vocabulaires ne se mêlent pas presqu’à chaque instant.
Pierre Bertrand (flûte, sax) a ainsi conçu une musique dont chaque thème s’appuie sur un tableau de l’un de ses amis, le peintre Jean-Antoine Hierro. Il nous offre ces huit pièces avec un groupe composé de André Bergcrantz (tp), Pierre-Alain Goualch (p, Fender Rhodes), Christophe Wallemme (b) et Laurent Robin (dm).
Après un premier thème parfaitement réussi, on peut se poser la question de savoir si la formule du quintet était la meilleure pour atteindre ce but. Question, il est vrai audacieuse lorsqu’on n’est pas musicien soi-même.
Pierre Bertrand a eu une intuition tout à fait passionnante : la musique et les couleurs ou peut-être plutôt la peinture, sont voisines, sœurs et peut-être même encore plus proches que cela – comment le dire ? – car c’est l’émotion qu’elles suscitent toutes deux qui en fait la richesse et la raison tout entière.
« Colors » (Cristal Records/Sony Music Entertainement) est plus qu’une leçon d’esthétique, tout simplement un beau moment de musique, pleins de rêves en couleurs multiples.
Surnatural Orchestra : « Tall Man Was Here »
Voici un drôle de qualificatif pour un orchestre, celui qui consisterait à le considérer comme « surnaturel ». La musique (ou bien une certaine musique) ne serait pas « naturelle », de l’ordre de la nature. Ce sont les écologistes qui ne vont pas être contents. Ils devront peut-être surtaxer la musique et les musiciens et tous ceux qui en vivent. C’est-à-dire chacun de nous. Alors « surnaturel » ou peut-être comme « au bon vieux temps » « surréaliste » l’orchestre ? En fait, ce qui est bien c’est que l’on s’en moque. Parce que franchement, la musique elle nous transperce, elle nous fait vivre, elle est comme notre vie comme on disait plus haut, elle est la vie. Et s’il y a bien un orchestre qui nous le montre avec une énergie et une inventivité un peu provocatrice et donc, précisément, vivifiante, c’est le « Surnatural ». Un peu, comme en son temps, en d’autres temps, lointains, il y a plus de quarante ans, un demi-siècle même peut-être, le déjanté, rigolard, mais si inventif, si « bouleversant » « Wilhem Breuker Orchestra ». « Bouleversant » et donc « Surnatural » avant la lettre en quelque sorte. En préfiguration. Même si ici « Tall Man Was Here » (Collectif Surnatural) est bien de son temps, d’aujourd’hui s’il faut le dire pour que l’on comprenne bien qu’il ne s’agit pas d’un quelconque « revival » d’une musique d’une époque révolue. D’ailleurs – et c’est un autre point commun avec Wilhem Breuker » – il y a ici une dimension théâtrale, voire même littéraire. Qui est bien plus structurée que chez ce prédécesseur (il y en eut d’autres). Il y a chez « Surnatural » du drame, de la tragédie et donc, de la « comédie ». Dans la musique comme dans sa mise en scène, en œuvre, en joie, en vie.
Il est à noter que « jouer collectif » développe l’imagination et la création. Ainsi, ce n’est peut-être pas essentiel, mais c’est néanmoins quelque chose de très heureux et qu’il faut souligner : le Cd est présenté dans une belle boîte en bois, toute noire. A l’intérieur, outre le livret et le disque, on pour utiliser la craie blanche pour écrire sur la boîte comme au tableau des écoles d’autrefois et apporter ainsi sa propre pierre à cet édifice où l’enthousiasme domine.
Pour connaître le nom des musiciennes et des musiciens, toutes et tous « surnaturel.l.es », il faudra aller sur le site www.surnaturalorchestra.com
Daniel Gassin : « Change Of Heart »
Le pianiste Daniel Gassin est un personnage multiple. S’il est à la fois américain par sa mère il est français par son père. Mais il a grandi en Australie. Il est musicien mais il est aussi avocat et s’il est aujourd’hui en France il a débuté sa carrière à Melbourne. Pour autant sa musique, celle que l’on découvre ici dans « Change Of Heart » (Jazz Family/Socadisc) n’a rien de véritable étrange, étrangère encore moins. Même si elle est mêlée d’influences multiples, ce qui n’a rien d’étonnant, on en conviendra aisément avec un tel parcours. Daniel Gassin a surtout réussi cet enregistrement avec la présence de l’étonnante chanteuse new yorkaise Alicia Moses qui apporte ici des couleurs singulières soulignées souvent par l’excellent guitariste Josiah Woodson. Damien Françon et Fabricio Nicolas-Garcia tiennent respectivement la batterie et la basse et complètent ainsi une formation très homogène et structurée. Brillante souvent, notamment, il faut le redire, du fait de la guitare et du charme maîtrisé, mesuré des parties chantées. Comme de la belle articulation du piano de Daniel Gassin. Une version délicate du « Naima » de Coltrane répond à merveille aux belles compositions du leader.
Fabien Mary and The Vintage Orchestra : « Too Short »
Un big band comme on n’en fait plus ! C’est à peu près ainsi que l’on pourrait définir ce « Too Short » de Fabien Mary. Lequel ? De Buddy Rich, de Gil Evans ou de Thad Jones & Mel Lewis par exemple. Mais sans doute que des spécialistes pourraient contredire ces références. Il faudrait demander à Fabien Mary (tp, compositions, arrangements) et peut-être à ses acolytes du Vintage Orchestra (dirigé par Dominique Mandin), Michael Ballue, Jerry Edwards, Florent Gac, Michael Joussein, Malo Mazurié, Andrea Michelutti, David Sauzay, Thomas Savy, Olivier Zanot et Yoni Zelnik. Qui sonnent comme s’ils étaient deux fois plus nombreux.
« Too Short » (Jazz &People/Pias) nous offre une musique faite d’enthousiasme et qui est effectivement « vintage », qui sonne comme « au bon vieux temps » des grands orchestres que la crise économique avait contribué à faire plus ou moins disparaître, ouvrant ainsi une brèche que les »combos » et autres duos, trios et autres quartets ont alors comblé.
En tout état de cause Fabien Mary, le Vintage Orchestra et ce « Too Short » suscitent ou ressuscitent des émotions jamais éteintes.
Sébastien Texier & Christophe Marguet : « We Celebrate Freedom Fighters »
On aura compris que le titre de cet album, « We Celebrate Freedom Fighters » (Cristal Records/distribution digitale Believe) recouvre une musique-programme. Dont le but est de rendre hommage en l’occurence à dix personnalités qui ont combattu toute leur vie et sans relâche à la liberté.
Un tel « projet » a ceci de risqué c’est qu’il veuille trop en dire. Qu’il prétende décrire quelque chose, que la musique ait comme l’ambition de parler avec des mots, de raconter quelque chose, de « dire ». Ceci ou cela.
Mais on peut être assuré qu’il n’est rien de cela ici. Chacun des onze thèmes (dix sont dédiés aux héros de la liberté choisis par Sébastien Texier et ses amis, le onzième est, disons, « collectif », s’adressant à eux tous.
On comprendra donc que la musique qui nous est offerte ici est une musique de liberté, qui chante la liberté et peut-être encore davantage la libération. Qui n’est sans doute rien d’autre que le fondement de la liberté elle-même.
On ne peut pas ne pas citer les dix « figures » qui ont été retenues par les musiciens. Ce sont Claudia Anjar, Aimé Césaire, « l’inconnu de Tian’anmen », James Baldwin, Louis Coquillet, Gisèle Halimi, Rosa Parks, Sitting Bull, Olympe de Gouges et Simone Weill. Il n’y a aucun intérêt à analyser ce choix. Ce qui importe c’est de l’avoir accompli avec la même certitude – on peut sans doute employer ce terme – que Sébastien Texier (as, cl), Christophe Marguet (dm), Manu Codja (el g) et François Thuillier (tuba) s’impliquent dans leur musique, dans la musique.
Dmitry Baevsky : « Soundtrack »
Quel est dans l’univers du jazz l’instrument qui peut être le plus élégant, le plus fin, le plus subtil et permettre aussi toutes les inventions ? Je répondrais qu’il s’agit du saxophone alto. Regardons son histoire et on devrait en être convaincu. Bien sûr on pourrait répondre autrement et peut-être même par le ténor. Tout dépend des références que l’on prendra. Peut-être aussi de la façon dont nous écoutons, dont nous entendons, de notre histoire personnelle et pas seulement musicale.
Et, s’il y a bien aujourd’hui un altiste qui peut nous enchanter c’est Dmitry Baevsky. Sans doute n’a-t-il pas à ce jour inscrit encore son nom dans la grande histoire du jazz. Mais est-ce même bien nécessaire ? Au cas où il n’aurait ni la volonté de le faire, ni l’occasion, ni même, disons la dimension, franchement il me semble que l’on peut bien se moquer de tout ça. Et même peut-être est-ce dans une certaine mesure nécessaire pour apprécier sa musique comme il se doit, c’est-à-dire tout simplement telle qu’elle s’offre à nous. Dans sa simplicité, sa clarté, sa beauté spontanée, elle est là tout simplement. Et c’est cela qui est important. Souvenons-nous de Paul Desmond ? Avec ou sans Dave Brubeck. Dont on a dit et écrit beaucoup de mal. Parfois avec quelques raisons. Mais nul n’est parafait. Sauf qu’une certaine légèreté est un don rare. Et que la musique de « Soundtrack » (Fresh Sound Records/Socadisc) est de celles-ci. Légère sans doute, non pas comme une petite chose en passant, comme quelque chose sans importance, qui n’aurait pas de sens, mais comme un nuage dans un ciel clair, dessinant un paysage qui apparaît et puis s’efface bientôt, comme une fleur qui bientôt disparaîtra, toutes choses qui sont les bonheurs du monde.
Dmitry Baevsky a déjà derrière lui un long et très beau parcours. Parce que jouer avec Benny Green ou Jeremy Pelt ou Cedar Walton n’est pas donné à tout le monde. Et ceux qui l’accompagnent ici sont de la même « trempe » : Jeb Patton (p) qui, lui, a joué avec les Heath Brothers, David Wong (b) et Pete Van Nostrand (dm). Un si beau moment de musique. Faite pour rêver ou pour vivre. Ce qui est sans doute la même chose.
Csaba Palotaï & Steve Argüelles : « Cabane Perchée »
Voici un enregistrement extraordinaire. Cette musique qui nous est ici offerte ne ressemble, à dire vrai, à rien. Ou à pas grand chose. Ou à peu de choses…
Il s’agit pourtant ‘une « adaptation », « transformation », « transcription », « recomposition » d’une partie des œuvres de Bela Bartok connues sous le nom de « Mikrokosmos » qui sont des études destinées aux pianistes. Pour autant les voici bouleversées, revisitées au point d’être chamboulées, renouvelées, réinventées. Et, comme elles-mêmes étaient déjà une sorte de synthèse, venues d’horizons divers, d’Europe centrale ou d’Amérique, de la musique de Bach ou du jazz on peut comprendre que cette « Cabane perchée » (BMC Records/Socadisc)a quelques portes et fenêtres qui, au travers des frondaisons, s’ouvrent sur plusieurs clairières.
Et, oui cette musique est souvent étrange. Mais voilà, elle n’est jamais « étrangère » – je veux dire « lointaine », inatteignable, comme si elle ne nous concernait pas. C’est tout le contraire. Chaque fois que le guitariste Csaba Palotaï, d’orignie hongroise (comme quelques autre bien connus, notamment en France, tels Elek Baksik, Gabor Szabo ou Gabor Gado aussi qui fut l’une des influences de Palotaï) – d’où sans doute la référence à Bartok – chaque fois qu’il développe un accord, une ligne mélodique, il nous envoie ad patres, à l’autre bout du monde. Quant à Steve Argüelles, lui aussi jouant ici de la guitare (et bien sûr de ses percussions ici toujours acoustiques, comme toutes les guitares de cet enregistrement), il n’est pas en reste, on s’en doute.
C’est ainsi que cette « Cabane perchée » nous offre une musique qui, non seulement ne provient pas de contrées lointaines, lointaines dans l’espace ou dans le temps, dans la culture ou les habitudes, mais au contraire du plus profond d’entre-nous.
Riviera
Un seul titre ou un seul nom : le même et un seul pour désigner un quartet et son enregistrement de treize titres originaux. Aux influences venues de la musique tzigane, des Balkans, de la Sicile (sur un thème d’Ennio Morricone), du ska, du jazz, du blues et, au final, de tous les horizons. Et, tout cela, avec une esthétique épurée, toujours séduisante, parlant au cœur, et disant de la beauté qu’elle est toujours là si l’on y prête attention. Attention, précaution, comme le font les quatre protagonistes de ce disque qui est bien plus que quelques pièces qui ne seraient que douées d’une beauté, d’une forme pourrait-on dire, mais qui ont ce mérite de nous parler, de nous faire partager les émotions qui les ont fait naître. Le tout étant entre les mains de musiciens qui maîtrisent assurément leurs techniques, qui s’écoutent parfaitement, juste ce qu’il faut pour créer un ensemble, c’est-à-dire un groupe dont chaque membre soit assuré de l’autre mais pas parce qu’ils ne se seraient rendus sourds à ce qui les entoure. C’est tout l’inverse : parce qu’ils veulent s’adresser à nous et parce qu’ils nous parlent.
Il faut ici souligner la qualité, l’originalité et les couleurs multiples qui jaillissent avec bonheur des compositions du contrebassiste Stéphane Bularz et du violoniste alto (et aussi joueur de mandoline ou organiste) Olivier Samouillan (un ancien de la Berklee School Of Music de Boston, passé aussi par New York et plus extraordinairement par l’orchestre philharmonique de Macédoine). Le groupe Riviera (ici pour le label Art Mélodies/Absilone) est aussi composé de deux autres excellents interprètes, le guitariste (acoustique et électrique) Jérémie Schacre et du batteur Guillaume Chevillard.
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