Alain Gerber : « Deux petits bouts de bois », une vie de jazz

« Deux petits bouts de bois » : c’est là le titre du dernier livre d’Alain Gerber. Sous-titré « Une autobiographie de la batterie de jazz », ce livre qui vient de paraître chez le très remarquable éditeur musical « Frémeaux et Associés » (désormais également éditeur de livres) est à la fois une autobiographie, non pas tant de la batterie en elle-même que du, ou peut-être, des rapports de l’écrivain à son instrument de prédilection et aussi un récit empreint de philosophie, pratique ou non, de morale, d’une conception du jazz et de la musique tout entière. Et enfin, il faut ajouter, pour ne rien dissimuler, ne rien oublier, bref pour être aussi juste que possible, qu’il s’agit sans doute plutôt, d’une manière très subtile et, disons, tout aussi élégante, de dire ce qu’est la vie.

Alain Gerber :

 

 

Alain Gerber est un écrivain reconnu qui a cumulé les prix littéraires (parmi lesquels le Goncourt de la nouvelle et l’Interallié). Il a additionné les reconnaissances et le succès public. Ce qui n’est pas toujours le cas, il faut bien le dire. Il a été aussi, ou plutôt en même temps (encore une fois !) un très éminent critique, journaliste, et aussi inventeur d’une sorte de genre littéraire à lui tout seul lorsqu’il a proposé plus de trente livres sur le jazz, la plupart inspirés explicitement par des interprètes, créateurs, créatrices, inventeurs de toute sorte, et de toute sorte de jazz. Car, le jazz est pluriel, comme chacun sait…Car il faut bien dire que ces livres-là n’étaient ni des biographies, ni des romans, ni des essais mais, le plus souvent, tout à la fois. Ce qui en a fait leur richesse jusqu’à ce jour.

 

Ici, on aura donc compris, qu’il se livre à un exercice différent car Alain Gerber se livre lui-même. Comme jamais auparavant. Non pas parce qu’il parle de lui, mais parce qu’il nous fait vivre comme de l’intérieur, dans l’instant de la lecture, dans son présent, son rapport à la batterie, instrument initialement propre au jazz. Et cette relation est certes celle d’un grand connaisseur de cette musique, celle de ses divers, nombreux et souvent géniaux batteurs, celle d’un écrivain dont presque tous les ouvrages ont trait au jazz (les trente ou quarante autres qu’il a écrit), même si cela est parfois seulement sous-jacent, mais surtout, cette fois, comme un pratiquant : un batteur, pour le dire le plus directement qui soit. Comme un musicien, disons, amateur.

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« Amateur », c’est peut-être aller vite en besogne. On ne sera pas étonné cependant de le formuler ainsi : nous savons qu’Alain Gerber, s’il s’est produit en public parfois (épisodiquement, il faut le dire, et il en parle, sans pitié pour lui-même) est surtout un travailleur acharné. Et c’est ce parcours, sans cesse repris, reconstruit, déconstruit parfois, renouvelé souvent – en reprenant aussi des pratiques antérieures, comme quoi on peut faire du neuf avec du plus ancien ! – que, littéralement, Alain Gerber nous fait vivre. D’anecdotes en anecdotes on découvre un parcours, celui de l’apprentissage incessant. Il faut dire que nombreux et nombreuses sont celles et ceux qui ne manquent pas d’avoir, avec d’autres instruments souvent, éprouvés des expériences plus ou moins similaires. Encore que la persévérance de l’apprenti est ici plutôt grandissante avec le temps alors que l’on pourrait imaginer qu’il en est, le plus souvent, d’une autre façon.

 

Il faut comprendre que ces « Deux petits bouts de bois » qui désignent bien évidemment les baguettes des batteurs et qui sont leur prolongement, qui ne sont qu’eux-mêmes finalement, mais qui, lorsqu’ils sont le titre de ce récit, sont aussi, comme il a été dit peut-être trop rapidement, un véritable entrelacs.
Cet « entrelacs » c’est celui qui est constitué par ce que l’on pourrait appeler « l’autobiographie » de l’auteur avec des portraits de musiciens. Et c’est ainsi que ce livre nous en dit plus long sur Roy Haynes, Kenny Clarke, Art Blakey, Connie Kay, Mel Lewis, Max Roach, Tony Williams et tant d’autres, que bien des dictionnaires de jazz ou des rubriques d’internet.

Mais ce qui fait la raison même de l’écriture d’Alain Gerber, on le trouve dans ce qui sous-tend toute l’écriture : pas seulement l’amour de la batterie, celui du jazz, de la musique mais aussi dans la présence-même de la vie, incessante, sur laquelle tout ceci repose et vient jusqu’à nous. Par l’écriture, par la lecture, par la musique.

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« The Ellipse » une « oeuvre » de Régis Huby

C’est à une grande œuvre que nous invite aujourd’hui le violoniste Régis Huby « Une grande œuvre » car une œuvre, unique (pas une suite de quelques pièces qui, éparses feraient cependant une unité) et donc, d’une certaine façon, une œuvre que l’on pourrait dire « totale ».

 

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« The Ellipse » (Abalone/L’autre distribution) se présente tout d’abord ainsi. Le titre lui-même annonce ceci qu’une ellipse n’est pas ce dont on pourrait s’échapper, contrairement à une idée reçue, mais au contraire, quelque chose qui renvoie toujours à soi-même. Et peut-être – sans doute – à l’auditeur lui-même.

Le violoniste s’exprime ainsi dans une interview parlant des quinze musiciens qui l’entourent :« Je parle d’ellipse en référence aux orbites, à des trajectoires. C’est comme si on était tous en orbite, autour de la musique, et qu’à certains moments on se retrouve, on participe d’un point du noyau d’énergie… »
Sans aucun doute est-ce là la vérité.
Mais, peut-être, faudrait-il souligner que, pour qu’une telle chose puisse se produire, se trouve avant tout la nécessité, non seulement d’une entente, mais plutôt d’une unité et même d’une unité totale. Non pas à un moment ou un autre, mais dès l’origine.

 

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« The Ellipse » a tout de cette grande œuvre qu’elle propose. C’est dire aussi que, peut-être, elle a quelques défauts inhérents à ces qualités-là : la « grandeur » n’est pas si aisée et peut-être que l’attention qu’elle nécessite de chacun, des auditeurs cela s’entend, est difficile à soutenir sans faiblir. Mais, là où Régis Huby et son orchestre réussissent véritablement leur haute ambition, c’est que, ces instants possibles d’inattention, de moindre écoute, sont toujours infimes. Et que l’Ellipse, toujours l’emporte.

 

Avec Régis Huby (violin), Guillaume Roy (viola), Marion Martineau (viola da gamba), Olivier Benoit (electric guitar), Pierrrick Hardy (acoustic guitar) Joyce Mienniel (flûte), Jean-Marc Larché (soprano saxophone), Catherine Delaunay (clarinet), Pierre François Roussillon (bass clarinet), Matthias Mahler (trombone), Illya Amar (vibraphone, marimba), Bruno Angelini (piano, fender rhodes, nova bass), Claude Tchamitichian (double bass), Guillaume Seguron (double bass) Michele Rabbia (drums, percussion, electronics).

 

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Denis Fournier : une secrète présence

 

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Peut-on savoir ce que Denis Fournier nous dissimule aujourd’hui ? Puisqu’aussi bien son dernier ouvrage porte en titre « Je suis caché sous ma peau » (Label Vent du Sud) et que l’on peut bien se demander en effet, cela qui est caché, comme s’il y avait une différence entre le musicien – mais ce pourrait-être n’importe lequel/laquelle d’entre-nous ce serait tout pareil – et sa « peau ». A moins qu’il ne s’agisse de la peau des tambours qui sont sans aucun doute, une part du musicien lui-même. Et rien d’une dissimulation. Ce qui se montre et se voit, tout au contraire.

Mais bref, est-ce cela qui importe ?
Il faut ici dire l’essentiel : cet enregistrement qui se double/dédouble des images d’un DVD est un long solo de Denis Fournier qui se décline en treize plages (CD) ( et ramenées à neuf dans la version filmée.)

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Il y a une quinzaine d’années Denis Fournier avait déjà entrepris un tel exploit avec une réelle réussite. On peut parler d’exploit en effet dans la mesure où ce genre en lui seul (le solo de percussions) semble a priori relever d’un défi, en quelque sorte partagé par le musicien comme par l’auditeur.

Ici, dès les premières notes, on peut entendre comme une mélodie. (Le comparatif cependant est en excès ! ) Et il en serait de même tout au long de la musique à laquelle Denis Fournier nous invite si toutefois « mélodie » ne constituait pas un terme référent très en-dessous de la réalité. C’est à un orchestre tout entier que l’on nous invite ici et c’est au bonheur de la variété des sonorités, des timbres, des harmonies, c’est à un langage complexe et en même temps fait d’une sorte d’évidence que nous sommes conviés.

Mais il faudrait peut-être dire encore davantage. Quel est ce langage « complexe » comme il a été dit ? Ou plutôt que dit-il ? Mais si on le définit un tant soit peu c’est sans doute ainsi que l’on saura ce qu’il peut nous dire. et seulement ainsi… Ce que l’on entend dans la dernière musique de Denis Fournier c’est une parole. « Une parole » au sens où un poème est une parole. Plus, au moins dans la forme, mais davantage, bien plus, dans la présence à soi de celui qui la prononce comme de celui qui l’entend, bien au-delà d’une démonstration, d’un long discours.

La musique de Denis Fournier s’affirme ici comme une poésie. Ce n’est pas la première fois, bien sûr. Mais c’est assurément au moins l’une des plus belles.



Simon Moullier « Isla »

Simon Moullier

 

Désormais, il est possible que quelques « coups de cœur » trouvent parfois ici une place.
C’est bien le cas du disque de Simon Moullier « Isla » qui sort le 17 février de cette année 2023.

Simon Moullier est ce vibraphoniste dont Herbie Hancock a proclamé quelque chose comme : « Jamais personne jusqu’à ce jour n’a entendu quelqu’un jouer du vibraphone comme ça » !

Si « Isla » est son troisième enregistrement Simon Moullier qui nous propose chaque fois des formations différentes (pas seulement des partenaires mais des instruments plutôt) a ici magnifiquement réussi. Là où sans doute non plus on ne pouvait l’attendre – ni lui, ni n’importe quel vibraphoniste non plus ! (ce qui doit donner raison au pianiste de Miles) – à savoir dans l’alliance de son instrument et du piano. Celui, merveilleux, de Lex Korten.

Il est certain que Simon et Lex réussissent ici à offrir un alliage parfait, étonnant – je veux dire qui sait nous saisir à chaque mesure – ensemble qui est soutenu, porté à tout instant par la basse d’Alexander Claffy et la batterie de Jongkuk Kim avec une subtilité et une inventivité qui font déjà espérer que leur aventure commune se poursuivra. Elle vaut, assurément, de ne pas s’arrêter sur cette « île », fut-elle si évocatrice, non seulement des jeunes années bretonnes de Simon Moullier, mais peut-être surtout d’une certaine conception de la vie et donc de la musique.

Depuis notre point de vue, depuis l’Europe, il nous est difficile de connaître véritablement l’évolution du jazz outre-Atlantique. « Isla » nous en donne cependant un très bon aperçu. Simon Moullier vit à New York City, comme Lex Korten et Alexander Claffy. Jongkuk Kim vient de Séoul et réside à Boston. Il est à peu près certain que leur musique est loin de représenter toute la créativité de la scène du jazz « made in USA » mais il est sûr en revanche qu’ils sont bien tous les quatre l’exemple de ce que peut devenir l’alliance de la tradition des années soixante ou soixante-dix avec toute l’ouverture, toute la liberté, toute la vivacité de l’invention que le jazz porte en lui. Moullier est ainsi un héritier de Coltrane et il affirme parmi ses influences Wayne Shorter, Clare Fischer mais aussi Ravel ou Stravinsky. Des « influences » donc mais surtout de l’imagination, de la créativité et en conclusion une authentique beauté.

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Dmitri Baevsky : « Kid’s Time », à travers le temps…

C’est sans doute pour saluer un musicien, digne, me semble-t-il, de l’intérêt de celles et ceux qui aiment le jazz que je rouvre pour quelques instants cette chronique. Ce qui sera aussi une manière de souhaiter de bonnes fêtes et une heureuse année à chacune et à chacun.

Dmitri Baevsky :

Ce musicien, dont il m’est déjà arrivé de dire ici le plus grand bien, c’est le saxophoniste Dmitri Baevsky.

Baevsky nous offre aujourd’hui un très beau « Kids’ Time » (Fresh Sound New Talent/Socadisc) accompagné du contrebassiste Clovis Nicolas et du batteur Jason Brown ; le trompettiste Stéphane Belmondo intervenant quant à lui sur trois morceaux.

Si je reviens compléter ainsi ces « Notes de jazz » c’est pour répondre en fait à une objection faite parfois à propos de Baevsky, objection selon laquelle il n’amène rien de neuf, qu’il n’y a aucune invention dans cette musique, que tout, ici, serait « entendu », sinon convenu.

Si l’on prend à la lettre la conception du jazz comme d’une musique « ouverte », radicalement « ouverte », doit-on approuver ce propos ?

Il me semble que non. Il me semble – peut-être paradoxalement – que Dmitri Baevsky en est un très grand et très bel, très intéressant exemple.
Il est vrai qu’il incarne en quelque sorte le bop et le hard bop des années 50 et 60. Qu’il y a en lui du « Jazz Messenger » et de bien d’autres musiciens de ces temps, reculés désormais.
« Reculés », mais peut-être pas. D’abord parce que cette musique est belle, définitivement superbe. Et que c’est sans nostalgie qu’il faut l’écouter. Dans sa présence absolue. Qui est en dehors du temps.

Mais aussi parce que l’invention pour l’invention c’est formidable, essentiel, mais que jamais, une véritable invention artistique n’a effacé la précédente. Degas a-t-il renvoyé Vinci ou Caravage aux oubliettes ? Pas davantage l’abstraction de Kandinsky n’a pas fait disparaître la peinture qui l’avait précédée. Il en est de même dans le monde musical. Mozart a bouleversé bien des choses. Cela n’a pas empêché que l’on puisse s’enthousiasmer pour la musique ancienne ou pour la viole de gambe des « matins du monde ». Les « Viennois » ont-ils renvoyé Chopin et Schumann aux tréfonds de nos mémoires ?

©Hicham Marzougoug

©Hicham Marzougoug

Ici, on ne peut dire non plus que Baevsky joue « revival ». Ce qui pourrait être d’ailleurs tout à fait acceptable. Il joue plutôt disons, dans l’esprit d’une musique qui a vu le jour il y a soixante ou soixante-dix ans et dont le jazz, non seulement d’aujourd’hui, mais aussi de demain continuera de se nourrir.

Ici, dans « Kids Time », il interprète pour l’essentiel des compositions personnelles et cela ne peut confirmer que c’est une musique qui, tout en étant ancrée dans une tradition ou plutôt dans une culture, est aussi celle d’un musicien, c’est-à-dire d’une personne. Ce qui signifie que, dans ces conditions, l’invention n’est pas un bouleversement, pas une révolte ou une révolution, mais le fruit d’un travail, d’une connaissance, de nombreuses reconnaissances. C’est dans l’expression d’une personnalité que Dmitri Baevsky nous fait éprouver la joie de la musique.

©Marina Chassé

©Marina Chassé

« Kid’s Time », comme les enregistrements précédents de Baevsky, méritent non seulement toute notre attention, mais bien plus, tout notre attachement. Il me semble même que, si l’on aime le jazz, si on aime ce qu’il a de dérangeant parfois, là donc où se trouve la source de tant d’innovations si fertiles, eh bien il faut aussi se passionner pour une musique comme nous l’offre ce beau trio. Non pas comme on aime une musique du passé ou plutôt une musique « passée », voire passéiste, mais comme le même jaillissement qui est au cœur de ce que l’on nomme « jazz ». A travers les époques, à travers le temps, à travers quelques générations. A travers tous ses changements et toutes ses immenses et intenses « figures ».

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Post-scriptum

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« In Wonderland We Trust » par Claire Trouilloud et Jean-René-Mourot

 

Heureusement – je veux dire par cet adverbe que c’est, dès la première note, un vrai bonheur – cela débute par « Cheek To Cheek. » Et, jusqu’au bout, d’inventions en standards, ce monde merveilleux l’est à chaque instant.
Jean-René Mourot ne fait pas partie des pianistes les plus reconnus, mais assurément des plus justes et des plus imaginatifs, des plus profonds et des plus intenses qui soient. On pourrait peut-être se demander si là ne se trouve pas la raison-même de ce qu’il ne fait pas »la Une ». Mias ce serait sans aucun doute « mal penser ».

La soprano Claire Trouilloud, quant à elle, sait tout chanter, les musiques classiques, médiévales, baroques, comme le jazz, la musique contemporaine ou improvisée.
Leur réunion, décidément, est une chance pour nous, pour notre cœur, pour notre esprit. Pour la clarté qu’ils apportent au monde. Pour la confiance dans la musique et donc dans la vie, confiance qu’ils nous offrent, qu’ils nous montrent. (Label Oh !/Inouïe distribution)

 

 Chrystelle Alour

« Ways Out » par Claude Tchamitchian quintet

 

La musique que nous offre Claude Tchamitchian est toujours d’une grande beauté. Empreinte de poésie, c’est-à-dire d’invention, de création, d’imagination. Elle n’est jamais close, enfermée, nous retenant dans des habitudes venues de loin. Elle est ainsi, à chaque fois, un nouveau chemin. Qui souvent ne mène nulle part où nous serions déjà venus. Et, cependant, nous nous trouvons chez nous. En elle nous nous reconnaissons. « Ways Out » n’échappe en rien à cette ambition – ou plutôt devrait-on dire à l’art de ce formidable instrumentiste et compositeur qu’est Claude Tchamitchian – et précisément, ici où là (sait-on jamais où nous nous trouvons ?) il nous embarque dans des voyages intrépides qui ouvrent l’horizon. Et nous concilient le monde.
Claude Tchamitchian (compositeur et contrebassiste) est ici entouré de Daniel Erdmann (saxophone ténor et soprano), Régis Huby (violon, effets), Rémi Charmasson (guitare) et Christophe Marguet (batterie) (Label Emouvance/Distribution Abalone)

 

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« Mystical Way » par Claire Michael

 

La saxophoniste Claire Michael poursuit avec ce très beau « Mystical Way » son chemin. Qui fut lors de l’une de ses dernières productions, « Trane Steps », consacrée à sa façon tout à elle, à l’art de John Coltrane dont personne ne peut nier qu’il a – peut-être plus que tout autre – marqué non seulement l’histoire de l’instrument mais surtout le jazz, la musique tout entière aussi, voire la façon ou plutôt la manière d’être, d’être femme, homme, artiste.

Et précisément, si désormais Coltrane n’est plus ici la référence la plus présente (on découvrira cependant une sublime adaptation de « Love Supreme »), Claire Michael offre à chaque instant sa musique, son souffle, son âme pourrait-on dire. Peut-être est-ce bien ici que se situe sa « mystique » sauf si ce terme ne signifiait trop souvent tout autre chose que cette sorte de donation de chaque instant que la saxophoniste offre à qui l’entend son enthousiasme (étymologiquement « état de l’homme qui est habité par un dieu »).
Ce qui implique que, dès la première mesure du premier thème « Graceful Sun », l’on soit saisi jusqu’au terme de la douzième plage, intitulée « L’instant du bonheur » où l’on notera la dernière présence dans l’orchestre, de Raul de Souza, musicien brésilien à qui Claire Michael rendra hommage dans quelques mois dans son pays.

Pour ce décidément très beau, très émouvant, très personnel « Mystical Way » (Label Blue Touch/UVM distribution), Claire Michael est entourée par les excellents Jean-Michel Vallet piano, claviers), Zaza Desidero (Batterie, perc.), Patrick Chartol (basse, contrebasse), Hermon Mehari (trompette), David Olivier Paturel (violon sur « Lovely Bird ») et, comme il a été dit par le regretté Raul de Souza (pour un thème – voir plus haut).

 

 Claude Tchamitchian

« Leaps And Bounds » par Vicki Rummler

 

Il est bon parfois de faire une sorte de « pause ». En l’occurence d’écouter Vicki Rummler.

En remontant dans un passé relativement lointain (2019 si ma mémoire est bonne) on peut trouver une chronique de « Notes de Jazz » rendant hommage à la chanteuse américaine Victoria Rummler. Mais désormais Vicki a changé de répertoire se tournant vers ce que l’on pourrait qualifier de « folk music ». Mais « une folk » d’aujourd’hui, tant par l’inspiration, les thèmes et l’ouverture à des expériences non seulement contemporaines mais tournées aussi vers l’avenir ; une modernité certaine assurément.
En premier lieu il faut dire bien haut que ce « Leaps And Bounds » (Juste une trace/distribution physique Socadisc/distribution digitale The Orchard) nous offre quelque chose, tel l’immense sourire de la chanteuse, une sorte d’aventure paisible, inquiète parfois, mais toujours au plus près de la nature que l’on entend ici pour de bon (le son de l’eau qui court, le vent qui souffle et fait vibrer toute chose), qui habite chaque thème. Même si chacun d’eux exprime quelque chose de différent et de cohérent pourtant.

Vicki Rummler a composé, enregistré (guitare, piano, percussions, percussions de la voix aussi, et bien sûr de sa superbe tessiture de soprano) ce disque qui nous offre ainsi un immense moment de paix. Et un message assurément, celui de la beauté du monde. Si l’on y prend garde !

 

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« Frog’s Performance » par Six For Six/Malo Evrard

 

Voici un enregistrement qu’il faudrait que beaucoup qui aiment la musique entendent. Les six musiciens qui l’ont réalisé à la toute fin de l’année 2021, peu connus jusqu’ici mériteraient des étoiles, une palme, une médaille d’or ou surtout toute notre attention. Ils nous offrent, sous la direction artistique du batteur, compositeur (six des neufs thèmes) et arrangeur, Malo Evrard un moment de jazz de très haute valeur.

On peut en juger par la cohérence absolue de ce groupe dont tous les membres sont de magnifiques musiciens. Le saxophone de Sandro Torsiello, ténor et soprano au premier chef. Comme le piano d’Etienne Manchon, mais aussi la trompette d’Adrien Dumont (tous deux compositeurs d’un thème chacun), mais aussi le trombone d’Igor tAwrynowicz et le la contrebasse de George Storey.
Peut-être est-on emporté par ce qu’il y a dans Frog’s Performance (Anima Nostra) du meilleur de l’histoire du jazz (si tant est qu’il y ait dans ce « classement » une quelconque pertinence, une seule raison), mais l’on est ici comme en compagnie de Miles, de Cannonball, de Chet, de bien d’autres.
Pourtant, ce qu’il faut souligner ici c’est plutôt l’intemporalité, non pas de tel ou tel style, de telle ou telle musique, mais celle d’un groupe dont l’on entend d’abord l’intelligence, la maturité, la volonté incessante de se donner pleinement. Tout en maîtrisant, à tout instant, son propos.

 

artworks-afymayrzklibrqam-t29wxw-t500x500-copie-300x300 Malo Evrard

« Un arbre sur la Lune » par Chrystelle Alour

 

C’est à une sorte d’expérience musicale que nous invite Chrystelle Alour. Différente de celles que l’on trouve ici d’habitude.
C’est à un étonnement qu’elle propose de participer, celui d’une musique (jazz et samba) qu’elle invente et chante pour les enfants. Et, plus encore parce que pour huit titres sur les onze de cet « Arbre sur la Lune » (Vita productions) ce sont aussi les enfants eux-mêmes qui chantent avec elle !
Alors, on se dira que peut-être qu’il ne s’agit pas ici d’un véritable projet musical. Au sens le plus strict du terme en tout cas.
Certes, mais c’est tout autant un véritable enchantement que d’écouter Chrystelle et ses élèves. Un enchantement et oui, un émerveillement. Car il est bien évident que dans ce que l’on pourrait nommer « la naïveté » du propos, il y a, à l’origine, tout ce qui se trouve dans la musique la plus authentique, la générosité, l’empathie, l’amour même ! Il faut absolument croire Chrystelle Alour quand elle écrit : « 
Alors que nous vivons une époque si menaçante, les enfants ont besoin d’espoir et de rêves, de gaieté et d’évasion. »

Comme cela est sans doute vrai pour chacune et pour chacun d’entre-nous, il faut aussi que nous sachions nous émerveiller de ces voix enfantines et de cette belle et simple musique.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Christian Lavigne : les secrets de la musique

 

Le nom de Christian Lavigne n’est peut-être pas très présent dans les mémoires de ceux qui aiment le jazz. Ce pianiste, en effet, a toujours été rare, ou plutôt d’une discrétion secrète, même au moment où il commença d’être reconnu, au milieu des années 70 d’un siècle que nous avons désormais quittés depuis plus de vingt ans. A cette époque Christian Lavigne jouait avec le groupe « progressiste », comme on disait alors, « Cossi Anatz » que Michel Marre avait créé sous un intitulé qui s’exprima parfois comme « jazz afro-occitan » !

 

Christian Lavigne est sans doute tellement habité par la musique qu’il n’a nul besoin de s’exprimer publiquement comme il aurait à coup sûr pu le faire tant son talent est immense. « Discrétion » et « secret », disions-nous : ils ont toujours été.

Pour l’avoir connu dès les années soixante, sur les bancs du lycée pour tout dire, Christian était déjà, élève brillant, mais ami secret, d’une extrême réserve, pourtant joyeuse.
En écoutant aujourd’hui sa musique, celle du disque qui vient de paraître et qui porte le beau titre de « Mountain Spirits » (Vent du Sud / Les Allumés du Jazz), c’est sans doute ce que l’on percevra : la merveilleuse discrétion, les secrets aussi d’éclats intenses.

 

 

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« Mountain Spirits » c’est une suite de quatorze titres, la plupart joués brièvement car il est bien possible que Christian se dise que l’insistance, en aucun cas n’est de mise.

Et voilà qu’on entend des choses simples, comme on pourrait dire « naturelles ». Mais elles s’expriment toujours avec une beauté pourtant inattendue, avec des phrases et des « mots », avec un langage que l’on comprend spontanément alors même qu’il est unique, déroutant, parcourant sans doute plus souvent qu’il n’y paraît, plus souvent qu’à son tour, des chemins de traverse.

 

Le propos de Christian Lavigne n’est sans doute pas celui d’un message qui nous dirait ceci ou cela, ceci plutôt que cela. Sa musique est bien davantage que cela, elle est une poésie. Non pas celle d’une forme littéraire transposée dans l’univers du jazz, de la musique, mais celle qui désigne autant que les mots peuvent le faire, la création elle-même.

« Mountain Spirits », si l’on pouvait, si cela avait un sens, le rapprocher de l’écriture poétique elle-même, ce serait peut-être celle de Bonnefoy ou celle de Jaccottet.

Mais pour se faire comprendre ou plutôt pour s’approcher au plus près des secrets qui assurément habitent ce grand musicien qu’est Christian Lavigne, on pourrait s’accorder mot à mot avec l’ultime phrase du texte de présentation de Xavier Prévost. On ne peut mieux dire que cela : « On ne se sent pas intrus, car ce poète bienveillant, toujours économe de son verbe, presque mutique, nous parle avec la musique. Il suffit de s’immerger, jusqu’à succomber à l’envoûtement. »

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Epilogue…

 

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« Epilogue » est le titre de cette chronique.

Celle-ci est sans doute (il ne faut jamais jurer de rien !) la dernière d’une longue série qui a débuté en 1974 sous le même intitulé de « Notes de jazz ». C’était pour un « grand quotidien régional » comme on disait alors.

 

Mettre un terme à une aventure de plus de quarante-cinq ans est sans doute une nécessité.

Ce dernier épisode prendra donc une forme un peu différente, rendant compte des dernières parutions qui sont parvenues jusqu’ici, de façon abrégée. Une manière, en quelque sorte, de ralentir la marche…

Je voudrais enfin remercier les musiciens et musiciennes qui, souvent, m’ont fait confiance. Et aussi les attachées de presse (parfois « attachés », mais rarement, il faut le reconnaître) dont le travail bien plus important qu’on ne le croit pour la diffusion de la musique, a toujours été fait avec professionnalisme, mais encore plus avec enthousiasme, compréhension (de quelques erreurs de ma part, quelques fois) et même amitié.

Pour mettre en place le point final à ces notes éparses, envolées depuis longtemps, voici donc la liste des dernières parutions qui nous sont parvenues.

 

 

  • Kristof Hiriart (p, composition), Jérémie Ternoy (chant, perc, composition) et Organik Orkestra : « Ritual » (Label LagunArte)

 

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  • Régis Huby (violons acoustique et ténor, électronique), Bruno Chevillon (b, électronique) et Michele Rabbia (dms, percussions, électronique) : « Codex III » (Abalone/L’autre distribution)

Phares

 

  • Pierre Drevet (bugle, tp) et Claire Vaillant (chant), Francis Larue (g), Etienne Kermac (b), Fabien Rodriguez forment le Lilananda Jazz Quintet pour « Phares » (Lilananda/Inouïe distribution). Avec aussi sur un thème Johan Véron et Martial Boudrant (violons), Estelle Gourinchas (alto) et Thomaz Ravez (violoncelle)

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  • Thierry Eliez (p, chant, arrangements) propose « Sur l’écran noir » (Label Triton/L’autre distribution) sur des musiques de Michel Legrand et des textes de Claude Nougaro. Avec au chant : Alain Chamfort, Médéric Colignon, Stella Vander, Célia Reggiani, JP Nataf, Ceilin Poggi, Thomas de Pourquery, Paloma Pradal, Manu Domergue.

 

 

  • Robin Notte (rodhes, p, synthés, programmation), Alexandre Herichon (tp), Lucas Saint-Cricq (sax, fl, scratchs), Tao Ehrlich (dms), Pierre Elgrishi (b) forment le groupe Panam Panic pour « Love Of Humanity » (Melius Prod /Inouïe distribution)

 

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  • Le vibraphoniste Simon Moullier, le bassiste Luca Alemanno et le Batteur Jongkuk Kim proposent « Countdown » (Fresh Sound New Talent)

 

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  • La chanteuse Elise Dabrowski est accompagnée de Fidel Fourneyron (tb) et Olivier Lété (basse et basse préparée) pour « Parking » (Full Rhizome/L’autre distribution)

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  • Julien Behar (as,fy,électronique), Stéphane Decolly (elec b,fx), Christophe Forget (encre et pinceaux, dessin projeté en direct) nous proposent « Encre(s) Sonore(s). Mais il faudra attendre le 10/09/2021. (CD Zei production.)

 

 

  • Noé Clerc trio « Secret Place » avec en invités Vincent Segal, Habib Shehadeh Hanna et Vincent Peiriani jouent « Premières Pluies » (No Mad Music)

 

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  • Michel Meis quartet avec Théo Ceccaldi ont enregistré « Kaboon » (Double Moon Records)

 

 

  • L’excellent Paul Jarret joue  » Ghost songs » avec Josef Dumoulin, Julien Pontvianne et Jim Black pour Neuklang.

 

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  • Le tout aussi excellent Marc Ribot (g, chant) avec Shahzad Ismaily (b) et Ches Smith (dms) jouent « Hope » pour Yellowbird, distribué par L’autre distribution.

 

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  • L’universel André Ceccarelli avec Hadrien Féraud (b) et Sylvain Luc (g) (voir illustration introductive) et aussi avec Richard Bona, Sly Johnson, Alex Ligertwood, Bastien Picot, Walter Ricci ou Pierre Bertrand a créé « Eclectik », ce qui lui ressemble bien. (Cristal Records/Disquaire Day)

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  • « Tikkun », c’est Andrew Crocker (tp, voix), Jean-Michel Couchet (as, ss), Florent Dupuis (ts,fl, picc), Benoît Guenoun (ts,fl),Yoram Rosilio (b, compo, direction) et Raphaël Koerner (dms) dans une œuvre intitulée « Dawn Ceremony For Dreadful Days » pour Le fondeur de son.

 

 

Ajoutons enfin deux livres-disques :

 

  • « Je suis sur des braises en attendant ton retour » par Dominique Sampiero (acte de poésie et lettre ouverte), Sébastien Texier, Christophe Marguet quartet et Sylvie Serpix (dessins emblématiques – sic) chez Phonophone.

 

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  • « Artisticiel » dont le titre est forcément (comme l’essentiel de ce travail) dû à Bernard Lubat (p, voc) avec Gérard Assayag (ordinateur), Marc Chemiller (ordinateur) et George Lewis. Toujours pour Phonophone.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Onze musiques pour des temps nouveaux

La production de disques de jazz, au moins du point de vue artistique pour ne pas le dire du point de vue économique, ne semble pas particulièrement affectée par la situation actuelle. La création et la créativité sont toujours au rendez-vous et c’est bien sûr heureux ! Décidément le printemps est là avec aujourd’hui, dans un ordre d’apparition qui, (faut-il le préciser ?) n’a rien à voir avec un « classement » plus ou moins préférentiel. Il s’agit donc d’aller jusqu’au bout pour se faire peut-être une idée, en tout cas pour parcourir de façon pertinente ce qui nous a été offert à entendre. Bonne lecture (et bonnes écoutes). Et sans doute à bientôt dans les festivals, clubs et autres lieux et circonstances dédiés au jazz et à toutes les musiques…

On trouvera donc ci-dessous et dans le désordre (mais cités dans l’ordre ! – il faut suivre mais, parfois les partitons sont plus compliquées ou difficiles qu’il n’y paraît surtout dans le cas de musiques improvisées) : Hasse Poulsen & Thomas Fryland, Maurgo Gargano, David Tixier, Pierre Bertrand, Surnatural Orchestra, Daniel Gassin, Fabien Mary & The Vintage Orchestra, Sébastien Texier & Christophe Marguet, Dmitri Baevsky, Csaba Palotaï & Steve Argüelles et, pour finir Riviera.

 

 

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Hasse Poulsen : « Dream A World »

 

Avec Thomas Fryland (tp, bugle) le guitariste Hasse Poulsen signe un disque dont la musique est aussi claire et pleine de lumière que le message.
On sait depuis longtemps déjà le courage de ce musicien venu un jour de Copenhague et qui fait depuis longtemps déjà pleinement partie de notre univers. Le courage comme musicien mais aussi comme citoyen engagé. Engagé sans aucun doute, mais seulement pour la liberté. Et sans doute ne conçoit-il guère sa musique sans cette démarche. Et cette dernière sans être l’acte lui-même, celui de la musique, du chant, de l’improvisation. Avec son excellent compagnon Thomas Fryland il s’accorde pleinement. Et leurs musiques sont impeccables de clarté, portant en elles, à chaque instant un enthousiasme qui emporte.

 

« Dream A World » (label Das Kapital Records) commence avec les temps qui changent désormais, ceux de Dylan, ils se clôturent avec Louis Armstrong et Bob Thiele et un si beau monde. En passant par « El pueblo » de Sergio Ortega, Leonard Cohen et son « Hallelujah » (« Il y a une grâce de lumière dans chaque mot » dit le texte de ctte musique), l’Hymne à la joie de Schiller et Beethoven – rien de moins ! – Roger Waters, John Lennon, Boris Vian, Oscar Peterson…et quelques autres. Et des compositions signées Hasse Poulsen.

On peut se demander si cela fait un disque de jazz à proprement parler. Mais qu’est-ce donc qui serait propre au jazz ? (On pourrait d’ailleurs se souvenir ici que le mot « jazz », initialement, désigne plutôt quelque chose de « sale » – on se souviendra à ce sujet des lieux où sont les nés les premiers accords de cette musique, lieux qui n’étaient pas particulièrement « propres » aux yeux des bien-pensants ; mais bref…) Si ce qui fait le jazz c’est un « esprit » plutôt qu’une manière, qu’une façon déterminée une fois pour toutes de faire, de chanter, de composer, d’inventer, alors « Dream A World » est au contraire un enregistrement pleinement, entièrement, « jazz ». Et puis, qu’il le soit ou non, qu’en avons-nous à faire si cette musique est aussi belle que remplie d’espoir ?

 

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Mauro Gargano : « Feed »

 

La musique est sans doute une « nourriture ». Celle du bassiste Mauro Gargano et des autres membres du trio (le pianiste Alessandro Sgobbio et le batteur Christophe Marguet) est faite pour nous apporter bien plus qu’un instant de plaisir ou même d’évasion. Elle tend et tend ainsi à nous apporter quelque chose comme la force, le courage, l’énergie, les ressources qui font toute vie. C’est là une notion du partage qui mérite d’abord l’attention mais aussi, et au bout du compte, la reconnaissance. De la part des auditeurs que nous sommes. Entraînés ainsi cependant à être sans doute un peu plus : notre seule écoute devenant ainsi un échange. N’est-ce pas là tout ce que l’on peut attendre d’une invention, d’une création ? De la musique tout entière.

L’art du trio piano-basse-batterie est évidemment, dans l’univers du jazz, une référence. Comme telle pourtant, compte tenu de l’histoire qu’elle porte et emporte, l’assumer n’est pas si facile. Pour « Feed » (Diggin Music Prod/Absilone Socadisc) Mauro Gargano et ses amis sont allés chercher du côté de musiques aussi diverses et rares que celles de concertos pour piano de Prokofiev, de Craig Taborn, du rock de EL&P, de The Necks et Pat Metheny. Et aussi d’Ornette Coleman, Jim Black, The Bad Plus, Stefano Battaglia et bien d’autres. C’est hors des sentiers battus que se sont dessinées les voies de ce trio. Les emprunter avec lui, à ses côtés, c’est se nourrir d’une expérience nouvelle, souvent étonnante. Assurément passionnante. Elle se conclut sur un thème intitulé « Secret Garden » qui est, il faut le souligner, une improvisation dont les images variées ne cessent plus de surgir.

 

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David Tixier : « Because I Care »

 

Voici un autre trio piano-basse-batterie et l’on ne s’en plaindra pas tant cette « formule » est à la source des plus belles créations du jazz. Les trois protagonistes de « Because I Care » (Cristal Records/Believe – le tout en version digitale) sont couronnés de multitudes de prix prestigieux. Leurs techniques mais aussi leurs forces d’invention à eux trois sont époustouflantes. Le pianiste David Tixier est d’une habileté étourdissante. Jérémy Bruyère le bassiste hors normes que l’on connaît bien. Quant à Lada Obradovic que l’on avait vu dans « The Eddy », une série Netflix, il y a quelques mois, en batteuse de jazz au look punk et au caractère bien trempé – elle traversait l’écran – se révèle ici aussi fascinante, à la fois par sa « présence » et son originalité mais aussi par sa « discrétion » ce que d’autres « drummers » ignorent parfois un peu.

Restent les trois interventions du chanteur David Linx, lui aussi titulaire de nombreux et prestigieux prix. Comme, à titre personnel, je n’ai eu que peu d’occasions de l’apprécier véritablement, je suis obligé de souligner que cet enregistrement, sauf sur le plan de la notoriété peut-être, n’a pas vraiment gagné à inclure du jazz vocal dans son programme. D’autant plus qu’il semble que ces trois pièces ne soient pas parfaitement en harmonie avec l’esthétique du groupe.

Dont il faut dire en revanche qu’elle mérite le détour, je veux dire l’attention, toute l’attention. Car il y a ici une aventure qui s’annonce : complexe, multiple, d’une richesse magnifique.

 

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Pierre Bertrand : « Colors »

 

Le flûtiste et saxophoniste Pierre Bertrand a raison ! Les couleurs et les notes ont à voir ensemble. Pareillement ou presque. Lorsqu’on veut faire partager par les mots, par la langue parlée ou écrite, un tableau ou une musique on sait bien – les « critiques » ne font que ça ! – que l’on utilise les termes de la musique pour parler de peinture et réciproquement. Quand, évidemment, les deux vocabulaires ne se mêlent pas presqu’à chaque instant.

Pierre Bertrand (flûte, sax) a ainsi conçu une musique dont chaque thème s’appuie sur un tableau de l’un de ses amis, le peintre Jean-Antoine Hierro. Il nous offre ces huit pièces avec un groupe composé de André Bergcrantz (tp), Pierre-Alain Goualch (p, Fender Rhodes), Christophe Wallemme (b) et Laurent Robin (dm).

Après un premier thème parfaitement réussi, on peut se poser la question de savoir si la formule du quintet était la meilleure pour atteindre ce but. Question, il est vrai audacieuse lorsqu’on n’est pas musicien soi-même.

Pierre Bertrand a eu une intuition tout à fait passionnante : la musique et les couleurs ou peut-être plutôt la peinture, sont voisines, sœurs et peut-être même encore plus proches que cela – comment le dire ? – car c’est l’émotion qu’elles suscitent toutes deux qui en fait la richesse et la raison tout entière.

« Colors » (Cristal Records/Sony Music Entertainement) est plus qu’une leçon d’esthétique, tout simplement un beau moment de musique, pleins de rêves en couleurs multiples.

 

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Surnatural Orchestra : « Tall Man Was Here »

 

Voici un drôle de qualificatif pour un orchestre, celui qui consisterait à le considérer comme « surnaturel ». La musique (ou bien une certaine musique) ne serait pas « naturelle », de l’ordre de la nature. Ce sont les écologistes qui ne vont pas être contents. Ils devront peut-être surtaxer la musique et les musiciens et tous ceux qui en vivent. C’est-à-dire chacun de nous. Alors « surnaturel » ou peut-être comme « au bon vieux temps » « surréaliste » l’orchestre ? En fait, ce qui est bien c’est que l’on s’en moque. Parce que franchement, la musique elle nous transperce, elle nous fait vivre, elle est comme notre vie comme on disait plus haut, elle est la vie. Et s’il y a bien un orchestre qui nous le montre avec une énergie et une inventivité un peu provocatrice et donc, précisément, vivifiante, c’est le « Surnatural ». Un peu, comme en son temps, en d’autres temps, lointains, il y a plus de quarante ans, un demi-siècle même peut-être, le déjanté, rigolard, mais si inventif, si « bouleversant » « Wilhem Breuker Orchestra ». « Bouleversant » et donc « Surnatural » avant la lettre en quelque sorte. En préfiguration. Même si ici « Tall Man Was Here » (Collectif Surnatural) est bien de son temps, d’aujourd’hui s’il faut le dire pour que l’on comprenne bien qu’il ne s’agit pas d’un quelconque « revival » d’une musique d’une époque révolue. D’ailleurs – et c’est un autre point commun avec Wilhem Breuker » – il y a ici une dimension théâtrale, voire même littéraire. Qui est bien plus structurée que chez ce prédécesseur (il y en eut d’autres). Il y a chez « Surnatural » du drame, de la tragédie et donc, de la « comédie ». Dans la musique comme dans sa mise en scène, en œuvre, en joie, en vie.
Il est à noter que « jouer collectif » développe l’imagination et la création. Ainsi, ce n’est peut-être pas essentiel, mais c’est néanmoins quelque chose de très heureux et qu’il faut souligner : le Cd est présenté dans une belle boîte en bois, toute noire. A l’intérieur, outre le livret et le disque, on pour utiliser la craie blanche pour écrire sur la boîte comme au tableau des écoles d’autrefois et apporter ainsi sa propre pierre à cet édifice où l’enthousiasme domine.
Pour connaître le nom des musiciennes et des musiciens, toutes et tous « surnaturel.l.es », il faudra aller sur le site www.surnaturalorchestra.com

 

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Daniel Gassin : « Change Of Heart »

 

Le pianiste Daniel Gassin est un personnage multiple. S’il est à la fois américain par sa mère il est français par son père. Mais il a grandi en Australie. Il est musicien mais il est aussi avocat et s’il est aujourd’hui en France il a débuté sa carrière à Melbourne. Pour autant sa musique, celle que l’on découvre ici dans « Change Of Heart » (Jazz Family/Socadisc) n’a rien de véritable étrange, étrangère encore moins. Même si elle est mêlée d’influences multiples, ce qui n’a rien d’étonnant, on en conviendra aisément avec un tel parcours. Daniel Gassin a surtout réussi cet enregistrement avec la présence de l’étonnante chanteuse new yorkaise Alicia Moses qui apporte ici des couleurs singulières soulignées souvent par l’excellent guitariste Josiah Woodson. Damien Françon et Fabricio Nicolas-Garcia tiennent respectivement la batterie et la basse et complètent ainsi une formation très homogène et structurée. Brillante souvent, notamment, il faut le redire, du fait de la guitare et du charme maîtrisé, mesuré des parties chantées. Comme de la belle articulation du piano de Daniel Gassin. Une version délicate du « Naima » de Coltrane répond à merveille aux belles compositions du leader.

 

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Fabien Mary and The Vintage Orchestra : « Too Short »

 

Un big band comme on n’en fait plus ! C’est à peu près ainsi que l’on pourrait définir ce « Too Short » de Fabien Mary. Lequel ? De Buddy Rich, de Gil Evans ou de Thad Jones & Mel Lewis par exemple. Mais sans doute que des spécialistes pourraient contredire ces références. Il faudrait demander à Fabien Mary (tp, compositions, arrangements) et peut-être à ses acolytes du Vintage Orchestra (dirigé par Dominique Mandin), Michael Ballue, Jerry Edwards, Florent Gac, Michael Joussein, Malo Mazurié, Andrea Michelutti, David Sauzay, Thomas Savy, Olivier Zanot et Yoni Zelnik. Qui sonnent comme s’ils étaient deux fois plus nombreux.

« Too Short » (Jazz &People/Pias) nous offre une musique faite d’enthousiasme et qui est effectivement « vintage », qui sonne comme « au bon vieux temps » des grands orchestres que la crise économique avait contribué à faire plus ou moins disparaître, ouvrant ainsi une brèche que les »combos » et autres duos, trios et autres quartets ont alors comblé.

En tout état de cause Fabien Mary, le Vintage Orchestra et ce « Too Short » suscitent ou ressuscitent des émotions jamais éteintes.

 

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Sébastien Texier & Christophe Marguet : « We Celebrate Freedom Fighters »

 

On aura compris que le titre de cet album, « We Celebrate Freedom Fighters » (Cristal Records/distribution digitale Believe) recouvre une musique-programme. Dont le but est de rendre hommage en l’occurence à dix personnalités qui ont combattu toute leur vie et sans relâche à la liberté.

Un tel « projet » a ceci de risqué c’est qu’il veuille trop en dire. Qu’il prétende décrire quelque chose, que la musique ait comme l’ambition de parler avec des mots, de raconter quelque chose, de « dire ». Ceci ou cela.
Mais on peut être assuré qu’il n’est rien de cela ici. Chacun des onze thèmes (dix sont dédiés aux héros de la liberté choisis par Sébastien Texier et ses amis, le onzième est, disons, « collectif », s’adressant à eux tous.

On comprendra donc que la musique qui nous est offerte ici est une musique de liberté, qui chante la liberté et peut-être encore davantage la libération. Qui n’est sans doute rien d’autre que le fondement de la liberté elle-même.
On ne peut pas ne pas citer les dix « figures » qui ont été retenues par les musiciens. Ce sont Claudia Anjar, Aimé Césaire, « l’inconnu de Tian’anmen », James Baldwin, Louis Coquillet, Gisèle Halimi, Rosa Parks, Sitting Bull, Olympe de Gouges et Simone Weill. Il n’y a aucun intérêt à analyser ce choix. Ce qui importe c’est de l’avoir accompli avec la même certitude – on peut sans doute employer ce terme – que Sébastien Texier (as, cl), Christophe Marguet (dm), Manu Codja (el g) et François Thuillier (tuba) s’impliquent dans leur musique, dans la musique.

 

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Dmitry Baevsky : « Soundtrack »

 

Quel est dans l’univers du jazz l’instrument qui peut être le plus élégant, le plus fin, le plus subtil et permettre aussi toutes les inventions ? Je répondrais qu’il s’agit du saxophone alto. Regardons son histoire et on devrait en être convaincu. Bien sûr on pourrait répondre autrement et peut-être même par le ténor. Tout dépend des références que l’on prendra. Peut-être aussi de la façon dont nous écoutons, dont nous entendons, de notre histoire personnelle et pas seulement musicale.
Et, s’il y a bien aujourd’hui un altiste qui peut nous enchanter c’est Dmitry Baevsky. Sans doute n’a-t-il pas à ce jour inscrit encore son nom dans la grande histoire du jazz. Mais est-ce même bien nécessaire ? Au cas où il n’aurait ni la volonté de le faire, ni l’occasion, ni même, disons la dimension, franchement il me semble que l’on peut bien se moquer de tout ça. Et même peut-être est-ce dans une certaine mesure nécessaire pour apprécier sa musique comme il se doit, c’est-à-dire tout simplement telle qu’elle s’offre à nous. Dans sa simplicité, sa clarté, sa beauté spontanée, elle est là tout simplement. Et c’est cela qui est important. Souvenons-nous de Paul Desmond ? Avec ou sans Dave Brubeck. Dont on a dit et écrit beaucoup de mal. Parfois avec quelques raisons. Mais nul n’est parafait. Sauf qu’une certaine légèreté est un don rare. Et que la musique de « Soundtrack » (Fresh Sound Records/Socadisc) est de celles-ci. Légère sans doute, non pas comme une petite chose en passant, comme quelque chose sans importance, qui n’aurait pas de sens, mais comme un nuage dans un ciel clair, dessinant un paysage qui apparaît et puis s’efface bientôt, comme une fleur qui bientôt disparaîtra, toutes choses qui sont les bonheurs du monde.
Dmitry Baevsky a déjà derrière lui un long et très beau parcours. Parce que jouer avec Benny Green ou Jeremy Pelt ou Cedar Walton n’est pas donné à tout le monde. Et ceux qui l’accompagnent ici sont de la même « trempe » : Jeb Patton (p) qui, lui, a joué avec les Heath Brothers, David Wong (b) et Pete Van Nostrand (dm). Un si beau moment de musique. Faite pour rêver ou pour vivre. Ce qui est sans doute la même chose.

 

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Csaba Palotaï & Steve Argüelles : « Cabane Perchée »

 

Voici un enregistrement extraordinaire. Cette musique qui nous est ici offerte ne ressemble, à dire vrai, à rien. Ou à pas grand chose. Ou à peu de choses…

Il s’agit pourtant ‘une « adaptation », « transformation », « transcription », « recomposition » d’une partie des œuvres de Bela Bartok connues sous le nom de « Mikrokosmos » qui sont des études destinées aux pianistes. Pour autant les voici bouleversées, revisitées au point d’être chamboulées, renouvelées, réinventées. Et, comme elles-mêmes étaient déjà une sorte de synthèse, venues d’horizons divers, d’Europe centrale ou d’Amérique, de la musique de Bach ou du jazz on peut comprendre que cette « Cabane perchée » (BMC Records/Socadisc)a quelques portes et fenêtres qui, au travers des frondaisons, s’ouvrent sur plusieurs clairières.
Et, oui cette musique est souvent étrange. Mais voilà, elle n’est jamais « étrangère » – je veux dire « lointaine », inatteignable, comme si elle ne nous concernait pas. C’est tout le contraire. Chaque fois que le guitariste Csaba Palotaï, d’orignie hongroise (comme quelques autre bien connus, notamment en France, tels Elek Baksik, Gabor Szabo ou Gabor Gado aussi qui fut l’une des influences de Palotaï) – d’où sans doute la référence à Bartok – chaque fois qu’il développe un accord, une ligne mélodique, il nous envoie ad patres, à l’autre bout du monde. Quant à Steve Argüelles, lui aussi jouant ici de la guitare (et bien sûr de ses percussions ici toujours acoustiques, comme toutes les guitares de cet enregistrement), il n’est pas en reste, on s’en doute.
C’est ainsi que cette « Cabane perchée » nous offre une musique qui, non seulement ne provient pas de contrées lointaines, lointaines dans l’espace ou dans le temps, dans la culture ou les habitudes, mais au contraire du plus profond d’entre-nous.

 

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Riviera

 

Un seul titre ou un seul nom : le même et un seul pour désigner un quartet et son enregistrement de treize titres originaux. Aux influences venues de la musique tzigane, des Balkans, de la Sicile (sur un thème d’Ennio Morricone), du ska, du jazz, du blues et, au final, de tous les horizons. Et, tout cela, avec une esthétique épurée, toujours séduisante, parlant au cœur, et disant de la beauté qu’elle est toujours là si l’on y prête attention. Attention, précaution, comme le font les quatre protagonistes de ce disque qui est bien plus que quelques pièces qui ne seraient que douées d’une beauté, d’une forme pourrait-on dire, mais qui ont ce mérite de nous parler, de nous faire partager les émotions qui les ont fait naître. Le tout étant entre les mains de musiciens qui maîtrisent assurément leurs techniques, qui s’écoutent parfaitement, juste ce qu’il faut pour créer un ensemble, c’est-à-dire un groupe dont chaque membre soit assuré de l’autre mais pas parce qu’ils ne se seraient rendus sourds à ce qui les entoure. C’est tout l’inverse : parce qu’ils veulent s’adresser à nous et parce qu’ils nous parlent.
Il faut ici souligner la qualité, l’originalité et les couleurs multiples qui jaillissent avec bonheur des compositions du contrebassiste Stéphane Bularz et du violoniste alto (et aussi joueur de mandoline ou organiste) Olivier Samouillan (un ancien de la Berklee School Of Music de Boston, passé aussi par New York et plus extraordinairement par l’orchestre philharmonique de Macédoine). Le groupe Riviera (ici pour le label Art Mélodies/Absilone) est aussi composé de deux autres excellents interprètes, le guitariste (acoustique et électrique) Jérémie Schacre et du batteur Guillaume Chevillard.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Festivals et musiques en temps de pandémie

Pour ouvrir cette chronique, toujours en temps de pandémie, il faut se précipiter sur les bonnes nouvelles.
Des « bonnes nouvelles » nous en avons souvent avec les enregistrements que nous choisissons de partager ici.

Afin de ne pas nous disperser nous avons été jusqu’alors peu diserts concernant les festivals pourtant habituellement (lorsque la Covid-19 n’est pas présente) nombreux.
Mais aujourd’hui nous sommes en quelque sorte rattrapés par l’enthousiasme d’une équipe d’organisateurs qui lance son premier festival de jazz ! Qui plus est, à coup sûr, à un moment où nous ne serons pas encore sortis d’affaire sur le plan sanitaire : au début du mois d’avril qui arrive.

Cela se passera à Noyon, charmante cité du département de l’Oise, d’environ 15 000 habitants, au nord de Compiègne et Soissons, pas très loin d’Amiens, Saint-Quentin et Laon. (Comme nous avons des lecteurs, que je salue au passage, qui habitent non seulement « aux quatre coins de l’hexagone » ! mais même au sud soit à 1000 km de Noyon au moins, il vaut mieux préciser.

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Il vaut mieux aussi rappeler que le département de l’Oise est actuellement « confiné » (à moins que Gabriel Attal, porte-parole du gouvernement ne nous dise autrement ce que personne ne veut dire. A moins aussi que le ministère de l’Intérieur n’édite une nouvelle attestation permettant de se rendre à Jazz à Noyon ou même qu’il s’agisse désormais d’un motif impérieux, sinon même impératif ce qui serait mieux pour tout le monde.)
En tout cas, et de façon très sérieuse, joyeuse cependant, ce qui n’est pas toujours contradictoire, il faut saluer cette initiative.
« Jazz in Noyon » se déroulera sur deux week-ends (les 9-10 et 11 avril et les 16-17 et 18 du même mois). Il y aura cinquante-neuf artistes (parmi lesquels Jacky Terrassson, Leïla Martial, et quels noms très connus et tout aussi talentueux) plein de concerts donc, des jam-sessions, des master-class, des apéros. Bref, une fête ! Tout ça, au cas où cela serait nécessaire, sera sur le net (et sans doute quelques soient les circonstances.)
On saura tout en allant ici : https://jazzinnoyon.fr/programmation-globale/

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Si l’on est un peu plus patient (ça se passera du 9 au 12 juin), si l’on est un peu plus sudiste que nordiste on pourra se réjouir de la programmation du vingtième anniversaire du festival « Jazz en Pic Saint-Loup (cette fois, je précise aussi pour nos honorables lecteurs qui n’auraient pas gravi encore ce sommet qui culmine fièrement à 658m d’altitude et qui domine la campagne autour de Montpellier (pour les habitants de Noyon, précisons que Montpellier se situe dans le département de l’Hérault à quelques kilomètres à peine de la Méditerranée qui, si elle est bonne fille, peut être déjà accueillante aux baigneuses et baigneurs en ces jours du mois de juin – ainsi on pourrait le même jour se baigner dans les flots bleus, se laisser envoûter par Richard Galliano, Paolo Fresu, Vincent Peiriani, Jan Lundgren, Michel Marre ou encore Emile Parisien, puis retourner à minuit (ou plus tard) retrouver les eaux douces de mare nostrum.

On saura tout en allant cette fois ici : https://www.jazzajunas.fr/festival-jazz-en-pic-saint-loup/

 

Et maintenant treize enregistrements à découvrir. Et qu’on ne dise pas que ce chiffre ne porte pas bonheur : allez jusqu’au bout de cette chronique…personne ne sera déçu ! Au moins par la musique.

Pour ce qu’il en est des « papiers », c’est bien sûr une autre histoire.

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Edward Perraud : « Hors Temps »

C’est avec Arnault Cuisinier (b) et Bruno Angelini (p) mais aussi avec Erik Truffaz (tp) pour deux thèmes que le compositeur et batteur Edward Perraud signe « Hors Temps » (Label Bleu/L’autre distribution).

Edward Perraud est avant tout un chercheur, un inventeur, un musicien imaginaire, ou plutôt de l’imaginaire. Sans doute est-il même un musicien-penseur, ce qui n’est pas si rare si l’on s’en tient toutefois aux plus immenses d’entre-eux, à quelque moment de l’histoire de la musique on puisse se référer.
« Hors Temps » nous emporte dès les premières mesures « hors sol », « hors piste », « hors la loi », comme il le dit lui-même, puisque ce sont-là des titres qu’il a retenu aux côtés de « Chien lune » ou de « Firmament ».

Edward Perraud a ce pouvoir de nous faire nous dépasser nous-mêmes, à nous extraire du monde qui est le nôtre, du monde qui est là devant nous, où nous nous trouvons et qui nous désespère en ce sens que nous en sommes coupés, tout en en faisant partie. Comme s’il s’agissait d’un monde perdu. Et alors que, ni l’espace qui nous entoure, ni la temporalité qui s’écoule ne peuvent nous parler totalement. C’est seulement sans doute l’instant qui pourrait le faire, parce que personne ne peut en savoir la durée si infime soit-elle, puisqu’il est une éternité qui ne se mesure pas davantage et que tous deux ont ce pouvoir de nous ramener à nous-mêmes.

C’est ce que fait, ou ce que semble dire cette musique. Souvent. Peut-être pas aussi bien à chaque fois. Comment pourrait-il en être autrement ? Nous sommes nécessairement, fatalement si l’on peut dire, sensibles à ceci plutôt qu’à cela. Et puis le temps qui s’écoule aussi, dont nous portons le rythme en nous, ce temps change et nous avec lui. Mais Edward Perraud est un musicien hors normes, cela est certain. Il est l’un de ceux qui ne se laissent pas prendre aux modes, mais de ceux qui construisent leur musique comme une pensée. A l’inverse ou à rebours de tout intellectualisme. En faisant en sorte que la vie, soudain, vibre comme le rythme et la musique tout entière.

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Shijin : « Theory Of Everything »

Le quartet Shijin revient avec un deuxième album après un premier opus en 2018. Il est composé autour du bassiste Laurent David, de Malcom Braff (p, Rodhes, CP70), Stéphane Galland (dm) et Stéphane Guillaume (sax, fl) et se présente comme « quartet européen ». Mais peut-être est-il bien plus que cela.

Sans doute cette musique est-elle le fruit d’un travail préparatoire considérable mais voici qu’elle se présente à nous comme si elle était spontanée et même à l’image d’une certaine familiarité. Ce qui, pour quelque chose dont on a du mal à dire à quoi cela pourrait bien ressembler, est un comble.

Les couleurs sont infinies, non seulement dans leur palette, mais aussi dans ce que l’on pourrait appeler leur durée, se superposant les unes aux autres, s’entremêlant, se révélant au même moment.
Souvent « Shijin » nous comble avec sa « Theory Of Everything » (Bandcamp/Socadisc distribution).

 

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Stéphanie Lemoine : « Love Leaves Traces »

C’est avec une sorte d’audace, d’énergie, d’enthousiasme que se livre la chanteuse Stéphanie Lemoine dans ce « Love Leaves Traces » (Mix Up Jazz/Inouïe Distribution). Chanteuse mais aussi compositrice et auteure de neuf des treize plages de son deuxième enregistrement (après « Sweet Talk » en 2013.)

Certes, Stéphanie Lemoine passe parfois d’un style ou plutôt d’une registre ou d’un genre à l’autre. Mais c’est toujours comme par magie : on retrouve ici et là, à tout instant, le même monde. Celui précisément qu’elle nous dit par cette force que l’on ressent dès les premières notes et qui emporte tout. Alors, au fil de ce courant, souvent rapide, presque comme un torrent toujours transparent on prend appui avec autant d’aisance et de bonheur sur quelques standards (« Body And Soul » ou « My Romance » par exemple) ou bien alors dans l’un des thèmes quelle signe elle-même comme « Morning », « Sunset Town » ou encore le titre éponyme.)

Il y a beaucoup de musiciens autour de la chanteuse. Et même un quatuor à cordes. Cet ensemble convient bien à la dynamique évoquée ici. Mais comme il serait intéressant d’entendre Stéphanie Lemoine en quartet ou même dialoguant avec un piano. Souhaitons surtout que nous n’attendions pas aussi longtemps que les sept ou huit ans qui nous ont séparé de « Sweet Talk », son précédent opus.

 

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Ismaïl Sentissi trio : « Genoma »

C’est une fort belle découverte que cette musique du pianiste et compositeur Ismaïl Sentissi qu’il offre avec une sorte de générosité, d’abandon presque, du sens du bonheur qui ne peut que se partager. « Genoma » (Jazz Family/Socadisc) réunit autour du pianiste deux musiciens de grand talent : Maurizio Congru à la contrebasse et le très élégant Cédric Bec à la batterie. Les plus exigeants des auditeurs et amoureux de l’art du trio (auquel les « Notes de jazz » vouent une passion) peuvent être assurés qu’ils ne seront pas déçus par l’harmonie qui règne entre les trois comparses, par leur manière de jouer, leur façon aussi parfois de faire comme s’ils y avait entre eux une sorte d’émulation. Mais ils n’ont pas à se chercher (quel que soit le sens que l’on pourrait attribuer à cette formule) car leur unité est sans doute l’une de leurs forces les plus sûres.
L’autre point d’équilibre du trio c’est sans doute l’art du pianiste et en particulier ses compositions dont on ne peut dire à quoi elles ressemblent vraiment, sauf qu’elles parlent, qu’elles nous disent mille choses, qu’elles murmurent parfois, qu’elles pourraient aussi nous entraîner dans une danse. Ismaïl Sentissi nous dit ici que le monde qui nous entoure, que nous parcourons, si l’on y prend garde est de la même nature que celui qui vit au fond de nous et qui n’est rien d’autre que nous. Il y a dans cette musique une recherche poétique qui en fait un moment rare. A partager sans doute.

 

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Tristan Melia : « Mistake Romance »

Voici un bel exercice que celui du piano solo de Tristan Melia. Mais bien mieux qu’un exercice, c’est une réussite car c’est tout simplement plus qu’un ouvrage, c’est d’une œuvre tout entière qu’il s’agit.

Et ce n’est pas parce qu’il va à la rencontre de quelques standards (« Soul Eyes » de Mal Waldron, « Someday My Prince Will Come » de F. Churchill ou encore le magique « The Nearness Of You » de Carmichael) qu’il n’est pas un compositeur remarquable. Bien au contraire, ce grand instrumentiste qu’est Tristan Melia est aussi un « écrivain » au point que l’on aimerait bien que quelques-uns de ses titres deviennent eux aussi des références (« Only My Heart », « Enfance »…)
Tristan Melia n’a pas trente ans et si sa reconnaissance publique n’est peut-être pas encore à la hauteur de son talent souhaitons lui là aussi le meilleur.
Avec ce très limpide, très lumineux « Mistake Romance » (Jazz Family/Socadisc) il nous offre la plus touchante et heureuse des musiques.

 

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Laura Prince : « Peace Of Mine »

Peut-on douter que Laura Prince ne trouve pas sa place dans l’univers qui est le sien, celui d’une musique qui se donne à chaque instant ? « Peace Of Mine » est son premier enregistrement (CQFD/L’autre distribution) réalisé avec enthousiasme, un enthousiasme communicatif. Mais aussi avec une grande sensibilité dont toute la musique originale est parcourue incessamment. Il faut dire que Laura Prince s’est fort pertinemment entourée de Grégory Privat et de David Sonder pour les musiques, arrangements et paroles.
On notera comme chez Stéphanie Lemoine la présence d’un quatuor à cordes, outre le piano de Grégory Privat déjà nommé, de la contrebasse de Zacharie Abraham, de la batterie de Tito Bertholo et des percussions de Inor Sotolongo.

 

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Matthieu Chazarenc : « Canto II »

On trouve dans ce premier enregistrement sous son nom du batteur Matthieu Chazarenc tant d’échos qui sont proches du jazz ou du moins de tout ce qu’il peut être dans son parcours sans fins et presque sans obstacles qu’il est difficile de ne pas lui faire écho. Tout d’abord « Canto II » (Cristal Records) est l’oeuvre de ce que l’on pourrait appeler une formation de jazz : Sylvain Gontard au bugle, Christophe Wallemme à la contrebasse et Laurent Derache à l’accordéon. Sans oublier l’excellent Sylvain Luc à la guitare.

Il y a dans cette musique composée pour l’essentiel par Matthieu Chazarenc un lyrisme constant, de très belles couleurs, que ce soit celles de l’accordéon, du bugle ou de la guitare. Et cela est un grand plaisir, la rythmique étant elle aussi d’une belle subtilité.
On devra cependant avouer que « Garona », la dernière pièce de cet enregistrement n’a rien à voir avec le jazz et qu’elle plaira davantage à nos amis toulousains, occitans qu’aux inconditionnels du Texas.

 

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Fred Escoffier & Palm Unit : « Figures »

Voici un autre enregistrement dont on pourrait parfois se demander ce qu’il vient faire ici. Mais ce ne serait somme toute qu’une bonne question. Qui remettrait peut-être en cause ce qu’est le jazz. Puisqu’il n’est pas un genre musical mais qu’il n’est pas non plus absolument « passe-partout ». Toutefois, il ne faut pas regretter, quand on aime le « jazz », de laisser ses oreilles ou plutôt ses neurones explorer des territoires étrangers. Si quelques-uns , un jour, ne l’avaient pas fait, le jazz n’existerait pas. Et puis, quand dans un enregistrement il y a le saxophoniste Lionel Martin on sait que l’on peut s’attendre à tout. C’est-à-dire surtout au meilleur. Et, comme il y a aussi Philippe Pipon Garcia à la batterie et Jean Joly à la contrebasse pour accompagner le piano et la voix de Fred Escoffier, eh bien il est comme normal que l’on découvre un monde étrange, suffisamment inexploré jusqu’alors pour ressentir de nouvelles et enthousiasmantes émotions.

Il paraît que « Figures » (Cristal Records/Inouïe Distribution/Believe) s’inspire du rock, d’Elvis lui-même et du maître David Bowie en personne. Et alors ? C’est ainsi que la musique est heureuse quand elle naît sur des terres fertiles et que des musiciens qui ont, si j’ose dire, l’esprit d’entreprise (pardon ! « L’esprit entreprenant », c’est mieux ainsi!) s’en emparent.

 

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Avishai Cohen : « Two Roses »

Dans son dernier enregistrement le contrebassiste Avishai Cohen et ses ami Elchin Shirinov (p) et Mark Giuliana (dm) nous envoient à leur manière, souvent magistrale, le plus souvent, loin du jazz. Dans la plupart des thèmes de « Two Roses  » (Naïve/Believe) on se sentira plus près d’une musique « classique » en sachant que le Gotheburg Symphony Orchestra dirigé par Alexander Hanson est ici très présent. Mais c’est aussi pour d’autres raisons sans doute.
Si Avishai Cohen présente « Two Roses » comme « le projet d’une vie » on entend bien qu’il mêle ici tout ce qui fait son univers et que celui-ci est multiple. Musicalement s’entend. La Méditerranée est elle aussi très présente et si le jazz l’est aussi (mais finalement peut-être moins, même si ceux qui l’aiment avant tout reconnaîtront des thèmes comme « Nature Boy » popularisé initialement par Nat King Cole ou  » A Child Is Born » de Thad Jones) l’orchestration dissipe un peu toutes les composantes de l’âme du contrebassiste dans une sorte de synthèse que quelques grands jazzmen du passé ayant tenté l’aventure « symphonique » n’avaient pas su éviter davantage (pas plus Bill Evans que Wes Montgomery…et pourtant.) Il sera donc beaucoup pardonné. Car « magistrale » toutefois est cette tentative. Avec le risque que l’on courre toujours dans de telles situations.

 

Marco Vezzoso & Alessandro Colina : « Italian Spirit »

Cet enregistrement a plusieurs mérites. Mais tout d’abord il faut souligner le travail du label Art In Live qui s’est lancé dans des conditions difficiles et qui semble se trouver sur une heureuse trajectoire au moment où cependant les concerts et festivals sont devenus les oubliés de notre monde. (voir plus haut la contradiction la plus radicale – encore que ! – à ce propos.)
La réussite d’un beau disque comme celui-ci c’est d’abord bien sûr la musique elle-même et donc les musiciens mais ce n’est pas une révélation si l’on y ajoute tout le travail éditorial, toue la technicité, le métier pourrait-on dire, la capacité créative aussi de tout un univers professionnel.
Quant au trompettiste Marco Vezzoso et au pianiste Alessandro Colina ils nous livrent ici des versions très personnelles de musiques italiennes populaires, des chansons, disons-le tout net, que certaines nous connaissons, d’autres sans doute moins. Dire que tout cela est spécifiquement jazz, ce serait mentir. Mais la liberté, l’imagination, l’audace parfois, avec lesquelles ces deux musiciens se sont lancés pour explorer et surtout pour nous offrir cet « Italian Spirit » (Art In Live/Inouïe distribution) vaut mieux de notre part qu’un simple détour, un long moment d’attention. Et accordons une mention spéciale à la chanteuse Marie Foessel ainsi qu’au chanteur Andrea Balducci.

 

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Hubert Dupont : « Trio Kosmos »

C’est une « riche idée » que ces trois-là se soient réunis pour ce disque hors les chemins balisés sous le seul titre de « Trio Kosmos » (Ultrabolic/Musea). Ils sont faits pour s’entendre et donc pour être écoutés et entendus, compris, devrais-je dire.
Le bassiste Hubert Dupont, le trompettiste Antoine Berjeaut et le batteur et percussionniste Steve Argüelles ont certainement des conceptions très proches de la musique qu’ils veulent inventer, jouer et délivrer.

C’est dire qu’il y a dans ce « Kosmos » des mondes nouveaux, souvent fascinants, toujours remplis de merveilles, d’audaces. Mais sans provocations, sans pour autant que beaucoup de bruit soit nécessaire (ce qui est parfois pour rien). On voyage ici d’univers en univers avec bonheur et jamais on ne se lasserait un seul instant.

 

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Julien Brunetaud trio : « Feels Like Home »

Voici un retour à un jazz, disons-le sottement, « plus jazz » sans doute. Certainement plus traditionnel que la plupart des découvertes de cette chronique. Qu’y a-t-il donc alors qui fasse que tout d’un coup on se dise aussi que cette musique nous fait du bien ?
Très certainement le groove, les échos du blues que le pianiste Julien Brunetaud connaît fort bien, le swing, mêlés ensemble par une place vivante et vivifiante laissée à l’improvisation. Le tout empreint de belles sonorités, d’un enthousiasme que l’on entend et qui, du coup, comme il faut dire aujourd’hui, arrive jusqu’à nous.
Il y a trois ans après multiples périples entre la France et les États-Unis, l’Agenais Brunetaud est arrivé à Marseille. C’est là qu’il a fondé son trio avec le bassiste Sam Favreau et le batteur Cedric Bec.
Après avoir côtoyé BB King, Chuck Berry, Pinetop Perkins, joué au Chicago Blues Festival, avoir exploré cette musique avec succès (en 2007 il est « musicien de l’année » pour le Hot-Club de France après avoir été « meilleur pianiste blues européen » en 2005) il joue à New York avec George Cables, Aaron Goldberg et Junior Mance.
Et puis, voici la dernière étape de Julien Brunetaud. Il l’a façonnée de bout en bout. Il ne chante plus comme il le faisait sur tous ses enregistrements antérieurs. Mais il nous enchante. « Fells Like Home » (Fresh Sound Records/Socadisc) son cinquième disque peut revigorer tous celles et tous ceux qui par ses temps printaniers en auraient besoin. Allez savoir pourquoi ?

 

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Thierry Peala & Verioca Lherm : « A Tania Maria Journey »

Une autre source d’énergie – inépuisable – on la trouve ici dans ce voyage avec la musique de Tania Maria. Ce sont deux admirateurs de toujours de la grande pianiste et chanteuse brésilienne, Thierry Peala (voix, percussion vocale, « one finger piano » + « whistle) et Verioca Lherm (guitare, voix, percussions vocales, pandeiro, apito) qui, associés au percussionniste Edmundo Carneiro, qui nous entraînent dans un univers de musique tropicale si l’on pouvait le dire ainsi « envahissant » – ôtant à ce terme absolument toute connotation négative ou péjorative. Et même, bien au contraire ! C’est justement cette espèce de bonheur profond qui nous font vibrer avec délice dans un univers profondément chaleureux – et il ne s’agit pas que de la chaleur de l’air ambiant propre aux joyeux tropiques – mais bien plus de celle du partage, de l’union, de la communion vivifiante qui anime chacune et chacun d’entre-nous.

« A Tania Maria Journey » (Edyson Production/Inouïe distribution) devrait nous accompagner tous les jours, nous tous : le monde s’en porterait mieux…peut-être…mais nous, en tout cas, assurément !

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