Guillaume Nouaux : de l’origine de la batterie à l’origine du monde

 

Guillaume Nouaux : de l'origine de la batterie à l'origine du monde capture-decran-2024-11-25-a-16.47.29-300x259

 

Le batteur Guillaume Nouaux vient de signer un livre dont le titre est « La naissance de la batterie » (Frémeaux & Associés).

On sait les qualités d’interprète, de leader ou de sideman, de pédagogue aussi de Guillaume Nouaux qui a été plusieurs fois couronné, notamment par l’Académie du Jazz et par le Hot Club de France. Personne qui s’intéresse de très près aux « drums » n’oublie ses ouvrages techniques. Tout le monde s’est enthousiasmé (sauf peut-être quelques grincheux – il y en a toujours des gens comme ça) pour ses enregistrements, comme « Clarinets Kings » ou « Stride Pianos Kings. »

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C’est avec grand intérêt que l’on doit ouvrir son dernier né sous forme de 400 pages. « Grand intérêt » assurément, mais peut-être pas pour les seules raisons d’une sorte d’histoire de la batterie jazz. D’abord parce que la batterie c’est le jazz. C’est l’instrument qui s’inventa en même temps que le jazz. Et l’on peut dire ainsi que l’histoire de ces baguettes, peaux et autres caisses et cymbales c’est sans aucun doute la même histoire que celle du jazz.

 

Ici, dans le livre de Nouaux, on découvrira assurément tout ce que l’on peut connaître dans ce domaine. Et, ce n’est pas peu dire ! Parce qu’enfin tout ça « nous en bouche un coin. » L’auteur est précautionneux néanmoins : il agit en historien et il le dit. Il sait qu’il y a, concernant l’origine, parfois plus des légendes que des certitudes. Mais l’auteur se forge bien davantage qu’une opinion. Par sa logique propre, par son attention minutieuse des faits rapportés.

Donc, l’histoire commence à La Nouvelle-Orléans, une sorte déjà de « ville-monde » qui fut, peut-être bien espagnole, avant d’être ceci ou cela. Ce qui expliquerait – c’est une idée comme une autre – que le mot « jazz » lui-même ait désigné cette musique, somme toute étrange. Mais ce n’est pas ici le propos de Nouaux…

 

Ce que nous devons retenir de ce livre est bien plus important que tout cela. Refermées, les 400 pages que l’on peut lire d’un trait ou deux, nous disent autre chose.
Si on lit entre les lignes, si on contextualise, si l’on prend un peu de « hauteur », de distance…en même temps que l’on s’y plonge aussi profondément qu’il est possible, ce qu’il faut retenir c’est qu’il y a là toute l’histoire du jazz. Mais pas son histoire « factuelle, » finalement non, pas son histoire : il vaudrait mieux dire sa « généalogie . »

 

Il me semble en effet qu’il faut proposer de ce livre la lecture suivante : le jazz est la musique de la liberté, la liberté des hommes et la liberté de la musique. Il y a bien sûr des règles, mais parfois, moins il y en a, plus elles sont détournées ou transgressées, plus l’invention s’offre à qui veut la découvrir, plus il y a de jazz. Le jazz n’est pas une musique « réglée » comme on l’aurait dit « du papier à musique. » Comme un temps, certain, du côté du Sud-Ouest, l’aurait voulu et aurait voulu l’imposer.

Si l’on veut bien le dire autrement : le jazz est une musique qui s’offre, qui se dénude, qui se donne. Là est la liberté. Comme donation de soi.

On me dira que cela n’a rien à voir avec la batterie. En deux mots, je voudrais affirmer que si. Et même au plus haut point (ce qui, de ce fait, les malicieux l’auront décelé, fait plus que deux mots). Parce que le batteur est sans doute celui (ou celle – et dire « la batteuse » serait mal venu) qui s’implique le plus : le corps tout entier, absolument tout entier. Et donc l’âme aussi. Ou plutôt : de même !

 

Ce que montre Guillaume Nouaux, peut-être « entre les lignes, » mais sans aucun doute, est tout à fait passionnant : la naissance d’un genre musical qui cependant n’en n’est jamais un, se déformant, se reformant, se déstructurant et se retrouvant sans cesse et peut-être sans but et sans raison et qui (de ce fait?) invente l’instrument suprême, identique en tout point au corps du musicien, véritable épreuve physique en même temps qu’épreuve de soi et qu’épreuve du monde tout entier. Un voyage infini pourrait-on dire. Et, en 400 pages, le tour du monde accompli. Mais sans fin.

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Alain Gerber : « Deux petits bouts de bois », une vie de jazz

« Deux petits bouts de bois » : c’est là le titre du dernier livre d’Alain Gerber. Sous-titré « Une autobiographie de la batterie de jazz », ce livre qui vient de paraître chez le très remarquable éditeur musical « Frémeaux et Associés » (désormais également éditeur de livres) est à la fois une autobiographie, non pas tant de la batterie en elle-même que du, ou peut-être, des rapports de l’écrivain à son instrument de prédilection et aussi un récit empreint de philosophie, pratique ou non, de morale, d’une conception du jazz et de la musique tout entière. Et enfin, il faut ajouter, pour ne rien dissimuler, ne rien oublier, bref pour être aussi juste que possible, qu’il s’agit sans doute plutôt, d’une manière très subtile et, disons, tout aussi élégante, de dire ce qu’est la vie.

Alain Gerber :

 

 

Alain Gerber est un écrivain reconnu qui a cumulé les prix littéraires (parmi lesquels le Goncourt de la nouvelle et l’Interallié). Il a additionné les reconnaissances et le succès public. Ce qui n’est pas toujours le cas, il faut bien le dire. Il a été aussi, ou plutôt en même temps (encore une fois !) un très éminent critique, journaliste, et aussi inventeur d’une sorte de genre littéraire à lui tout seul lorsqu’il a proposé plus de trente livres sur le jazz, la plupart inspirés explicitement par des interprètes, créateurs, créatrices, inventeurs de toute sorte, et de toute sorte de jazz. Car, le jazz est pluriel, comme chacun sait…Car il faut bien dire que ces livres-là n’étaient ni des biographies, ni des romans, ni des essais mais, le plus souvent, tout à la fois. Ce qui en a fait leur richesse jusqu’à ce jour.

 

Ici, on aura donc compris, qu’il se livre à un exercice différent car Alain Gerber se livre lui-même. Comme jamais auparavant. Non pas parce qu’il parle de lui, mais parce qu’il nous fait vivre comme de l’intérieur, dans l’instant de la lecture, dans son présent, son rapport à la batterie, instrument initialement propre au jazz. Et cette relation est certes celle d’un grand connaisseur de cette musique, celle de ses divers, nombreux et souvent géniaux batteurs, celle d’un écrivain dont presque tous les ouvrages ont trait au jazz (les trente ou quarante autres qu’il a écrit), même si cela est parfois seulement sous-jacent, mais surtout, cette fois, comme un pratiquant : un batteur, pour le dire le plus directement qui soit. Comme un musicien, disons, amateur.

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« Amateur », c’est peut-être aller vite en besogne. On ne sera pas étonné cependant de le formuler ainsi : nous savons qu’Alain Gerber, s’il s’est produit en public parfois (épisodiquement, il faut le dire, et il en parle, sans pitié pour lui-même) est surtout un travailleur acharné. Et c’est ce parcours, sans cesse repris, reconstruit, déconstruit parfois, renouvelé souvent – en reprenant aussi des pratiques antérieures, comme quoi on peut faire du neuf avec du plus ancien ! – que, littéralement, Alain Gerber nous fait vivre. D’anecdotes en anecdotes on découvre un parcours, celui de l’apprentissage incessant. Il faut dire que nombreux et nombreuses sont celles et ceux qui ne manquent pas d’avoir, avec d’autres instruments souvent, éprouvés des expériences plus ou moins similaires. Encore que la persévérance de l’apprenti est ici plutôt grandissante avec le temps alors que l’on pourrait imaginer qu’il en est, le plus souvent, d’une autre façon.

 

Il faut comprendre que ces « Deux petits bouts de bois » qui désignent bien évidemment les baguettes des batteurs et qui sont leur prolongement, qui ne sont qu’eux-mêmes finalement, mais qui, lorsqu’ils sont le titre de ce récit, sont aussi, comme il a été dit peut-être trop rapidement, un véritable entrelacs.
Cet « entrelacs » c’est celui qui est constitué par ce que l’on pourrait appeler « l’autobiographie » de l’auteur avec des portraits de musiciens. Et c’est ainsi que ce livre nous en dit plus long sur Roy Haynes, Kenny Clarke, Art Blakey, Connie Kay, Mel Lewis, Max Roach, Tony Williams et tant d’autres, que bien des dictionnaires de jazz ou des rubriques d’internet.

Mais ce qui fait la raison même de l’écriture d’Alain Gerber, on le trouve dans ce qui sous-tend toute l’écriture : pas seulement l’amour de la batterie, celui du jazz, de la musique mais aussi dans la présence-même de la vie, incessante, sur laquelle tout ceci repose et vient jusqu’à nous. Par l’écriture, par la lecture, par la musique.

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« The Ellipse » une « oeuvre » de Régis Huby

C’est à une grande œuvre que nous invite aujourd’hui le violoniste Régis Huby « Une grande œuvre » car une œuvre, unique (pas une suite de quelques pièces qui, éparses feraient cependant une unité) et donc, d’une certaine façon, une œuvre que l’on pourrait dire « totale ».

 

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« The Ellipse » (Abalone/L’autre distribution) se présente tout d’abord ainsi. Le titre lui-même annonce ceci qu’une ellipse n’est pas ce dont on pourrait s’échapper, contrairement à une idée reçue, mais au contraire, quelque chose qui renvoie toujours à soi-même. Et peut-être – sans doute – à l’auditeur lui-même.

Le violoniste s’exprime ainsi dans une interview parlant des quinze musiciens qui l’entourent :« Je parle d’ellipse en référence aux orbites, à des trajectoires. C’est comme si on était tous en orbite, autour de la musique, et qu’à certains moments on se retrouve, on participe d’un point du noyau d’énergie… »
Sans aucun doute est-ce là la vérité.
Mais, peut-être, faudrait-il souligner que, pour qu’une telle chose puisse se produire, se trouve avant tout la nécessité, non seulement d’une entente, mais plutôt d’une unité et même d’une unité totale. Non pas à un moment ou un autre, mais dès l’origine.

 

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« The Ellipse » a tout de cette grande œuvre qu’elle propose. C’est dire aussi que, peut-être, elle a quelques défauts inhérents à ces qualités-là : la « grandeur » n’est pas si aisée et peut-être que l’attention qu’elle nécessite de chacun, des auditeurs cela s’entend, est difficile à soutenir sans faiblir. Mais, là où Régis Huby et son orchestre réussissent véritablement leur haute ambition, c’est que, ces instants possibles d’inattention, de moindre écoute, sont toujours infimes. Et que l’Ellipse, toujours l’emporte.

 

Avec Régis Huby (violin), Guillaume Roy (viola), Marion Martineau (viola da gamba), Olivier Benoit (electric guitar), Pierrrick Hardy (acoustic guitar) Joyce Mienniel (flûte), Jean-Marc Larché (soprano saxophone), Catherine Delaunay (clarinet), Pierre François Roussillon (bass clarinet), Matthias Mahler (trombone), Illya Amar (vibraphone, marimba), Bruno Angelini (piano, fender rhodes, nova bass), Claude Tchamitichian (double bass), Guillaume Seguron (double bass) Michele Rabbia (drums, percussion, electronics).

 

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Denis Fournier : une secrète présence

 

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Peut-on savoir ce que Denis Fournier nous dissimule aujourd’hui ? Puisqu’aussi bien son dernier ouvrage porte en titre « Je suis caché sous ma peau » (Label Vent du Sud) et que l’on peut bien se demander en effet, cela qui est caché, comme s’il y avait une différence entre le musicien – mais ce pourrait-être n’importe lequel/laquelle d’entre-nous ce serait tout pareil – et sa « peau ». A moins qu’il ne s’agisse de la peau des tambours qui sont sans aucun doute, une part du musicien lui-même. Et rien d’une dissimulation. Ce qui se montre et se voit, tout au contraire.

Mais bref, est-ce cela qui importe ?
Il faut ici dire l’essentiel : cet enregistrement qui se double/dédouble des images d’un DVD est un long solo de Denis Fournier qui se décline en treize plages (CD) ( et ramenées à neuf dans la version filmée.)

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Il y a une quinzaine d’années Denis Fournier avait déjà entrepris un tel exploit avec une réelle réussite. On peut parler d’exploit en effet dans la mesure où ce genre en lui seul (le solo de percussions) semble a priori relever d’un défi, en quelque sorte partagé par le musicien comme par l’auditeur.

Ici, dès les premières notes, on peut entendre comme une mélodie. (Le comparatif cependant est en excès ! ) Et il en serait de même tout au long de la musique à laquelle Denis Fournier nous invite si toutefois « mélodie » ne constituait pas un terme référent très en-dessous de la réalité. C’est à un orchestre tout entier que l’on nous invite ici et c’est au bonheur de la variété des sonorités, des timbres, des harmonies, c’est à un langage complexe et en même temps fait d’une sorte d’évidence que nous sommes conviés.

Mais il faudrait peut-être dire encore davantage. Quel est ce langage « complexe » comme il a été dit ? Ou plutôt que dit-il ? Mais si on le définit un tant soit peu c’est sans doute ainsi que l’on saura ce qu’il peut nous dire. et seulement ainsi… Ce que l’on entend dans la dernière musique de Denis Fournier c’est une parole. « Une parole » au sens où un poème est une parole. Plus, au moins dans la forme, mais davantage, bien plus, dans la présence à soi de celui qui la prononce comme de celui qui l’entend, bien au-delà d’une démonstration, d’un long discours.

La musique de Denis Fournier s’affirme ici comme une poésie. Ce n’est pas la première fois, bien sûr. Mais c’est assurément au moins l’une des plus belles.



Simon Moullier « Isla »

Simon Moullier

 

Désormais, il est possible que quelques « coups de cœur » trouvent parfois ici une place.
C’est bien le cas du disque de Simon Moullier « Isla » qui sort le 17 février de cette année 2023.

Simon Moullier est ce vibraphoniste dont Herbie Hancock a proclamé quelque chose comme : « Jamais personne jusqu’à ce jour n’a entendu quelqu’un jouer du vibraphone comme ça » !

Si « Isla » est son troisième enregistrement Simon Moullier qui nous propose chaque fois des formations différentes (pas seulement des partenaires mais des instruments plutôt) a ici magnifiquement réussi. Là où sans doute non plus on ne pouvait l’attendre – ni lui, ni n’importe quel vibraphoniste non plus ! (ce qui doit donner raison au pianiste de Miles) – à savoir dans l’alliance de son instrument et du piano. Celui, merveilleux, de Lex Korten.

Il est certain que Simon et Lex réussissent ici à offrir un alliage parfait, étonnant – je veux dire qui sait nous saisir à chaque mesure – ensemble qui est soutenu, porté à tout instant par la basse d’Alexander Claffy et la batterie de Jongkuk Kim avec une subtilité et une inventivité qui font déjà espérer que leur aventure commune se poursuivra. Elle vaut, assurément, de ne pas s’arrêter sur cette « île », fut-elle si évocatrice, non seulement des jeunes années bretonnes de Simon Moullier, mais peut-être surtout d’une certaine conception de la vie et donc de la musique.

Depuis notre point de vue, depuis l’Europe, il nous est difficile de connaître véritablement l’évolution du jazz outre-Atlantique. « Isla » nous en donne cependant un très bon aperçu. Simon Moullier vit à New York City, comme Lex Korten et Alexander Claffy. Jongkuk Kim vient de Séoul et réside à Boston. Il est à peu près certain que leur musique est loin de représenter toute la créativité de la scène du jazz « made in USA » mais il est sûr en revanche qu’ils sont bien tous les quatre l’exemple de ce que peut devenir l’alliance de la tradition des années soixante ou soixante-dix avec toute l’ouverture, toute la liberté, toute la vivacité de l’invention que le jazz porte en lui. Moullier est ainsi un héritier de Coltrane et il affirme parmi ses influences Wayne Shorter, Clare Fischer mais aussi Ravel ou Stravinsky. Des « influences » donc mais surtout de l’imagination, de la créativité et en conclusion une authentique beauté.

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Dmitri Baevsky : « Kid’s Time », à travers le temps…

C’est sans doute pour saluer un musicien, digne, me semble-t-il, de l’intérêt de celles et ceux qui aiment le jazz que je rouvre pour quelques instants cette chronique. Ce qui sera aussi une manière de souhaiter de bonnes fêtes et une heureuse année à chacune et à chacun.

Dmitri Baevsky :

Ce musicien, dont il m’est déjà arrivé de dire ici le plus grand bien, c’est le saxophoniste Dmitri Baevsky.

Baevsky nous offre aujourd’hui un très beau « Kids’ Time » (Fresh Sound New Talent/Socadisc) accompagné du contrebassiste Clovis Nicolas et du batteur Jason Brown ; le trompettiste Stéphane Belmondo intervenant quant à lui sur trois morceaux.

Si je reviens compléter ainsi ces « Notes de jazz » c’est pour répondre en fait à une objection faite parfois à propos de Baevsky, objection selon laquelle il n’amène rien de neuf, qu’il n’y a aucune invention dans cette musique, que tout, ici, serait « entendu », sinon convenu.

Si l’on prend à la lettre la conception du jazz comme d’une musique « ouverte », radicalement « ouverte », doit-on approuver ce propos ?

Il me semble que non. Il me semble – peut-être paradoxalement – que Dmitri Baevsky en est un très grand et très bel, très intéressant exemple.
Il est vrai qu’il incarne en quelque sorte le bop et le hard bop des années 50 et 60. Qu’il y a en lui du « Jazz Messenger » et de bien d’autres musiciens de ces temps, reculés désormais.
« Reculés », mais peut-être pas. D’abord parce que cette musique est belle, définitivement superbe. Et que c’est sans nostalgie qu’il faut l’écouter. Dans sa présence absolue. Qui est en dehors du temps.

Mais aussi parce que l’invention pour l’invention c’est formidable, essentiel, mais que jamais, une véritable invention artistique n’a effacé la précédente. Degas a-t-il renvoyé Vinci ou Caravage aux oubliettes ? Pas davantage l’abstraction de Kandinsky n’a pas fait disparaître la peinture qui l’avait précédée. Il en est de même dans le monde musical. Mozart a bouleversé bien des choses. Cela n’a pas empêché que l’on puisse s’enthousiasmer pour la musique ancienne ou pour la viole de gambe des « matins du monde ». Les « Viennois » ont-ils renvoyé Chopin et Schumann aux tréfonds de nos mémoires ?

©Hicham Marzougoug

©Hicham Marzougoug

Ici, on ne peut dire non plus que Baevsky joue « revival ». Ce qui pourrait être d’ailleurs tout à fait acceptable. Il joue plutôt disons, dans l’esprit d’une musique qui a vu le jour il y a soixante ou soixante-dix ans et dont le jazz, non seulement d’aujourd’hui, mais aussi de demain continuera de se nourrir.

Ici, dans « Kids Time », il interprète pour l’essentiel des compositions personnelles et cela ne peut confirmer que c’est une musique qui, tout en étant ancrée dans une tradition ou plutôt dans une culture, est aussi celle d’un musicien, c’est-à-dire d’une personne. Ce qui signifie que, dans ces conditions, l’invention n’est pas un bouleversement, pas une révolte ou une révolution, mais le fruit d’un travail, d’une connaissance, de nombreuses reconnaissances. C’est dans l’expression d’une personnalité que Dmitri Baevsky nous fait éprouver la joie de la musique.

©Marina Chassé

©Marina Chassé

« Kid’s Time », comme les enregistrements précédents de Baevsky, méritent non seulement toute notre attention, mais bien plus, tout notre attachement. Il me semble même que, si l’on aime le jazz, si on aime ce qu’il a de dérangeant parfois, là donc où se trouve la source de tant d’innovations si fertiles, eh bien il faut aussi se passionner pour une musique comme nous l’offre ce beau trio. Non pas comme on aime une musique du passé ou plutôt une musique « passée », voire passéiste, mais comme le même jaillissement qui est au cœur de ce que l’on nomme « jazz ». A travers les époques, à travers le temps, à travers quelques générations. A travers tous ses changements et toutes ses immenses et intenses « figures ».

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Post-scriptum

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« In Wonderland We Trust » par Claire Trouilloud et Jean-René-Mourot

 

Heureusement – je veux dire par cet adverbe que c’est, dès la première note, un vrai bonheur – cela débute par « Cheek To Cheek. » Et, jusqu’au bout, d’inventions en standards, ce monde merveilleux l’est à chaque instant.
Jean-René Mourot ne fait pas partie des pianistes les plus reconnus, mais assurément des plus justes et des plus imaginatifs, des plus profonds et des plus intenses qui soient. On pourrait peut-être se demander si là ne se trouve pas la raison-même de ce qu’il ne fait pas »la Une ». Mias ce serait sans aucun doute « mal penser ».

La soprano Claire Trouilloud, quant à elle, sait tout chanter, les musiques classiques, médiévales, baroques, comme le jazz, la musique contemporaine ou improvisée.
Leur réunion, décidément, est une chance pour nous, pour notre cœur, pour notre esprit. Pour la clarté qu’ils apportent au monde. Pour la confiance dans la musique et donc dans la vie, confiance qu’ils nous offrent, qu’ils nous montrent. (Label Oh !/Inouïe distribution)

 

 Chrystelle Alour

« Ways Out » par Claude Tchamitchian quintet

 

La musique que nous offre Claude Tchamitchian est toujours d’une grande beauté. Empreinte de poésie, c’est-à-dire d’invention, de création, d’imagination. Elle n’est jamais close, enfermée, nous retenant dans des habitudes venues de loin. Elle est ainsi, à chaque fois, un nouveau chemin. Qui souvent ne mène nulle part où nous serions déjà venus. Et, cependant, nous nous trouvons chez nous. En elle nous nous reconnaissons. « Ways Out » n’échappe en rien à cette ambition – ou plutôt devrait-on dire à l’art de ce formidable instrumentiste et compositeur qu’est Claude Tchamitchian – et précisément, ici où là (sait-on jamais où nous nous trouvons ?) il nous embarque dans des voyages intrépides qui ouvrent l’horizon. Et nous concilient le monde.
Claude Tchamitchian (compositeur et contrebassiste) est ici entouré de Daniel Erdmann (saxophone ténor et soprano), Régis Huby (violon, effets), Rémi Charmasson (guitare) et Christophe Marguet (batterie) (Label Emouvance/Distribution Abalone)

 

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« Mystical Way » par Claire Michael

 

La saxophoniste Claire Michael poursuit avec ce très beau « Mystical Way » son chemin. Qui fut lors de l’une de ses dernières productions, « Trane Steps », consacrée à sa façon tout à elle, à l’art de John Coltrane dont personne ne peut nier qu’il a – peut-être plus que tout autre – marqué non seulement l’histoire de l’instrument mais surtout le jazz, la musique tout entière aussi, voire la façon ou plutôt la manière d’être, d’être femme, homme, artiste.

Et précisément, si désormais Coltrane n’est plus ici la référence la plus présente (on découvrira cependant une sublime adaptation de « Love Supreme »), Claire Michael offre à chaque instant sa musique, son souffle, son âme pourrait-on dire. Peut-être est-ce bien ici que se situe sa « mystique » sauf si ce terme ne signifiait trop souvent tout autre chose que cette sorte de donation de chaque instant que la saxophoniste offre à qui l’entend son enthousiasme (étymologiquement « état de l’homme qui est habité par un dieu »).
Ce qui implique que, dès la première mesure du premier thème « Graceful Sun », l’on soit saisi jusqu’au terme de la douzième plage, intitulée « L’instant du bonheur » où l’on notera la dernière présence dans l’orchestre, de Raul de Souza, musicien brésilien à qui Claire Michael rendra hommage dans quelques mois dans son pays.

Pour ce décidément très beau, très émouvant, très personnel « Mystical Way » (Label Blue Touch/UVM distribution), Claire Michael est entourée par les excellents Jean-Michel Vallet piano, claviers), Zaza Desidero (Batterie, perc.), Patrick Chartol (basse, contrebasse), Hermon Mehari (trompette), David Olivier Paturel (violon sur « Lovely Bird ») et, comme il a été dit par le regretté Raul de Souza (pour un thème – voir plus haut).

 

 Claude Tchamitchian

« Leaps And Bounds » par Vicki Rummler

 

Il est bon parfois de faire une sorte de « pause ». En l’occurence d’écouter Vicki Rummler.

En remontant dans un passé relativement lointain (2019 si ma mémoire est bonne) on peut trouver une chronique de « Notes de Jazz » rendant hommage à la chanteuse américaine Victoria Rummler. Mais désormais Vicki a changé de répertoire se tournant vers ce que l’on pourrait qualifier de « folk music ». Mais « une folk » d’aujourd’hui, tant par l’inspiration, les thèmes et l’ouverture à des expériences non seulement contemporaines mais tournées aussi vers l’avenir ; une modernité certaine assurément.
En premier lieu il faut dire bien haut que ce « Leaps And Bounds » (Juste une trace/distribution physique Socadisc/distribution digitale The Orchard) nous offre quelque chose, tel l’immense sourire de la chanteuse, une sorte d’aventure paisible, inquiète parfois, mais toujours au plus près de la nature que l’on entend ici pour de bon (le son de l’eau qui court, le vent qui souffle et fait vibrer toute chose), qui habite chaque thème. Même si chacun d’eux exprime quelque chose de différent et de cohérent pourtant.

Vicki Rummler a composé, enregistré (guitare, piano, percussions, percussions de la voix aussi, et bien sûr de sa superbe tessiture de soprano) ce disque qui nous offre ainsi un immense moment de paix. Et un message assurément, celui de la beauté du monde. Si l’on y prend garde !

 

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« Frog’s Performance » par Six For Six/Malo Evrard

 

Voici un enregistrement qu’il faudrait que beaucoup qui aiment la musique entendent. Les six musiciens qui l’ont réalisé à la toute fin de l’année 2021, peu connus jusqu’ici mériteraient des étoiles, une palme, une médaille d’or ou surtout toute notre attention. Ils nous offrent, sous la direction artistique du batteur, compositeur (six des neufs thèmes) et arrangeur, Malo Evrard un moment de jazz de très haute valeur.

On peut en juger par la cohérence absolue de ce groupe dont tous les membres sont de magnifiques musiciens. Le saxophone de Sandro Torsiello, ténor et soprano au premier chef. Comme le piano d’Etienne Manchon, mais aussi la trompette d’Adrien Dumont (tous deux compositeurs d’un thème chacun), mais aussi le trombone d’Igor tAwrynowicz et le la contrebasse de George Storey.
Peut-être est-on emporté par ce qu’il y a dans Frog’s Performance (Anima Nostra) du meilleur de l’histoire du jazz (si tant est qu’il y ait dans ce « classement » une quelconque pertinence, une seule raison), mais l’on est ici comme en compagnie de Miles, de Cannonball, de Chet, de bien d’autres.
Pourtant, ce qu’il faut souligner ici c’est plutôt l’intemporalité, non pas de tel ou tel style, de telle ou telle musique, mais celle d’un groupe dont l’on entend d’abord l’intelligence, la maturité, la volonté incessante de se donner pleinement. Tout en maîtrisant, à tout instant, son propos.

 

artworks-afymayrzklibrqam-t29wxw-t500x500-copie-300x300 Malo Evrard

« Un arbre sur la Lune » par Chrystelle Alour

 

C’est à une sorte d’expérience musicale que nous invite Chrystelle Alour. Différente de celles que l’on trouve ici d’habitude.
C’est à un étonnement qu’elle propose de participer, celui d’une musique (jazz et samba) qu’elle invente et chante pour les enfants. Et, plus encore parce que pour huit titres sur les onze de cet « Arbre sur la Lune » (Vita productions) ce sont aussi les enfants eux-mêmes qui chantent avec elle !
Alors, on se dira que peut-être qu’il ne s’agit pas ici d’un véritable projet musical. Au sens le plus strict du terme en tout cas.
Certes, mais c’est tout autant un véritable enchantement que d’écouter Chrystelle et ses élèves. Un enchantement et oui, un émerveillement. Car il est bien évident que dans ce que l’on pourrait nommer « la naïveté » du propos, il y a, à l’origine, tout ce qui se trouve dans la musique la plus authentique, la générosité, l’empathie, l’amour même ! Il faut absolument croire Chrystelle Alour quand elle écrit : « 
Alors que nous vivons une époque si menaçante, les enfants ont besoin d’espoir et de rêves, de gaieté et d’évasion. »

Comme cela est sans doute vrai pour chacune et pour chacun d’entre-nous, il faut aussi que nous sachions nous émerveiller de ces voix enfantines et de cette belle et simple musique.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Christian Lavigne : les secrets de la musique

 

Le nom de Christian Lavigne n’est peut-être pas très présent dans les mémoires de ceux qui aiment le jazz. Ce pianiste, en effet, a toujours été rare, ou plutôt d’une discrétion secrète, même au moment où il commença d’être reconnu, au milieu des années 70 d’un siècle que nous avons désormais quittés depuis plus de vingt ans. A cette époque Christian Lavigne jouait avec le groupe « progressiste », comme on disait alors, « Cossi Anatz » que Michel Marre avait créé sous un intitulé qui s’exprima parfois comme « jazz afro-occitan » !

 

Christian Lavigne est sans doute tellement habité par la musique qu’il n’a nul besoin de s’exprimer publiquement comme il aurait à coup sûr pu le faire tant son talent est immense. « Discrétion » et « secret », disions-nous : ils ont toujours été.

Pour l’avoir connu dès les années soixante, sur les bancs du lycée pour tout dire, Christian était déjà, élève brillant, mais ami secret, d’une extrême réserve, pourtant joyeuse.
En écoutant aujourd’hui sa musique, celle du disque qui vient de paraître et qui porte le beau titre de « Mountain Spirits » (Vent du Sud / Les Allumés du Jazz), c’est sans doute ce que l’on percevra : la merveilleuse discrétion, les secrets aussi d’éclats intenses.

 

 

Christian Lavigne : les secrets de la musique unnamed-300x300

 

« Mountain Spirits » c’est une suite de quatorze titres, la plupart joués brièvement car il est bien possible que Christian se dise que l’insistance, en aucun cas n’est de mise.

Et voilà qu’on entend des choses simples, comme on pourrait dire « naturelles ». Mais elles s’expriment toujours avec une beauté pourtant inattendue, avec des phrases et des « mots », avec un langage que l’on comprend spontanément alors même qu’il est unique, déroutant, parcourant sans doute plus souvent qu’il n’y paraît, plus souvent qu’à son tour, des chemins de traverse.

 

Le propos de Christian Lavigne n’est sans doute pas celui d’un message qui nous dirait ceci ou cela, ceci plutôt que cela. Sa musique est bien davantage que cela, elle est une poésie. Non pas celle d’une forme littéraire transposée dans l’univers du jazz, de la musique, mais celle qui désigne autant que les mots peuvent le faire, la création elle-même.

« Mountain Spirits », si l’on pouvait, si cela avait un sens, le rapprocher de l’écriture poétique elle-même, ce serait peut-être celle de Bonnefoy ou celle de Jaccottet.

Mais pour se faire comprendre ou plutôt pour s’approcher au plus près des secrets qui assurément habitent ce grand musicien qu’est Christian Lavigne, on pourrait s’accorder mot à mot avec l’ultime phrase du texte de présentation de Xavier Prévost. On ne peut mieux dire que cela : « On ne se sent pas intrus, car ce poète bienveillant, toujours économe de son verbe, presque mutique, nous parle avec la musique. Il suffit de s’immerger, jusqu’à succomber à l’envoûtement. »

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Epilogue…

 

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« Epilogue » est le titre de cette chronique.

Celle-ci est sans doute (il ne faut jamais jurer de rien !) la dernière d’une longue série qui a débuté en 1974 sous le même intitulé de « Notes de jazz ». C’était pour un « grand quotidien régional » comme on disait alors.

 

Mettre un terme à une aventure de plus de quarante-cinq ans est sans doute une nécessité.

Ce dernier épisode prendra donc une forme un peu différente, rendant compte des dernières parutions qui sont parvenues jusqu’ici, de façon abrégée. Une manière, en quelque sorte, de ralentir la marche…

Je voudrais enfin remercier les musiciens et musiciennes qui, souvent, m’ont fait confiance. Et aussi les attachées de presse (parfois « attachés », mais rarement, il faut le reconnaître) dont le travail bien plus important qu’on ne le croit pour la diffusion de la musique, a toujours été fait avec professionnalisme, mais encore plus avec enthousiasme, compréhension (de quelques erreurs de ma part, quelques fois) et même amitié.

Pour mettre en place le point final à ces notes éparses, envolées depuis longtemps, voici donc la liste des dernières parutions qui nous sont parvenues.

 

 

  • Kristof Hiriart (p, composition), Jérémie Ternoy (chant, perc, composition) et Organik Orkestra : « Ritual » (Label LagunArte)

 

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  • Régis Huby (violons acoustique et ténor, électronique), Bruno Chevillon (b, électronique) et Michele Rabbia (dms, percussions, électronique) : « Codex III » (Abalone/L’autre distribution)

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  • Pierre Drevet (bugle, tp) et Claire Vaillant (chant), Francis Larue (g), Etienne Kermac (b), Fabien Rodriguez forment le Lilananda Jazz Quintet pour « Phares » (Lilananda/Inouïe distribution). Avec aussi sur un thème Johan Véron et Martial Boudrant (violons), Estelle Gourinchas (alto) et Thomaz Ravez (violoncelle)

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  • Thierry Eliez (p, chant, arrangements) propose « Sur l’écran noir » (Label Triton/L’autre distribution) sur des musiques de Michel Legrand et des textes de Claude Nougaro. Avec au chant : Alain Chamfort, Médéric Colignon, Stella Vander, Célia Reggiani, JP Nataf, Ceilin Poggi, Thomas de Pourquery, Paloma Pradal, Manu Domergue.

 

 

  • Robin Notte (rodhes, p, synthés, programmation), Alexandre Herichon (tp), Lucas Saint-Cricq (sax, fl, scratchs), Tao Ehrlich (dms), Pierre Elgrishi (b) forment le groupe Panam Panic pour « Love Of Humanity » (Melius Prod /Inouïe distribution)

 

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  • Le vibraphoniste Simon Moullier, le bassiste Luca Alemanno et le Batteur Jongkuk Kim proposent « Countdown » (Fresh Sound New Talent)

 

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  • La chanteuse Elise Dabrowski est accompagnée de Fidel Fourneyron (tb) et Olivier Lété (basse et basse préparée) pour « Parking » (Full Rhizome/L’autre distribution)

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  • Julien Behar (as,fy,électronique), Stéphane Decolly (elec b,fx), Christophe Forget (encre et pinceaux, dessin projeté en direct) nous proposent « Encre(s) Sonore(s). Mais il faudra attendre le 10/09/2021. (CD Zei production.)

 

 

  • Noé Clerc trio « Secret Place » avec en invités Vincent Segal, Habib Shehadeh Hanna et Vincent Peiriani jouent « Premières Pluies » (No Mad Music)

 

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  • Michel Meis quartet avec Théo Ceccaldi ont enregistré « Kaboon » (Double Moon Records)

 

 

  • L’excellent Paul Jarret joue  » Ghost songs » avec Josef Dumoulin, Julien Pontvianne et Jim Black pour Neuklang.

 

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  • Le tout aussi excellent Marc Ribot (g, chant) avec Shahzad Ismaily (b) et Ches Smith (dms) jouent « Hope » pour Yellowbird, distribué par L’autre distribution.

 

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  • L’universel André Ceccarelli avec Hadrien Féraud (b) et Sylvain Luc (g) (voir illustration introductive) et aussi avec Richard Bona, Sly Johnson, Alex Ligertwood, Bastien Picot, Walter Ricci ou Pierre Bertrand a créé « Eclectik », ce qui lui ressemble bien. (Cristal Records/Disquaire Day)

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  • « Tikkun », c’est Andrew Crocker (tp, voix), Jean-Michel Couchet (as, ss), Florent Dupuis (ts,fl, picc), Benoît Guenoun (ts,fl),Yoram Rosilio (b, compo, direction) et Raphaël Koerner (dms) dans une œuvre intitulée « Dawn Ceremony For Dreadful Days » pour Le fondeur de son.

 

 

Ajoutons enfin deux livres-disques :

 

  • « Je suis sur des braises en attendant ton retour » par Dominique Sampiero (acte de poésie et lettre ouverte), Sébastien Texier, Christophe Marguet quartet et Sylvie Serpix (dessins emblématiques – sic) chez Phonophone.

 

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  • « Artisticiel » dont le titre est forcément (comme l’essentiel de ce travail) dû à Bernard Lubat (p, voc) avec Gérard Assayag (ordinateur), Marc Chemiller (ordinateur) et George Lewis. Toujours pour Phonophone.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Onze musiques pour des temps nouveaux

La production de disques de jazz, au moins du point de vue artistique pour ne pas le dire du point de vue économique, ne semble pas particulièrement affectée par la situation actuelle. La création et la créativité sont toujours au rendez-vous et c’est bien sûr heureux ! Décidément le printemps est là avec aujourd’hui, dans un ordre d’apparition qui, (faut-il le préciser ?) n’a rien à voir avec un « classement » plus ou moins préférentiel. Il s’agit donc d’aller jusqu’au bout pour se faire peut-être une idée, en tout cas pour parcourir de façon pertinente ce qui nous a été offert à entendre. Bonne lecture (et bonnes écoutes). Et sans doute à bientôt dans les festivals, clubs et autres lieux et circonstances dédiés au jazz et à toutes les musiques…

On trouvera donc ci-dessous et dans le désordre (mais cités dans l’ordre ! – il faut suivre mais, parfois les partitons sont plus compliquées ou difficiles qu’il n’y paraît surtout dans le cas de musiques improvisées) : Hasse Poulsen & Thomas Fryland, Maurgo Gargano, David Tixier, Pierre Bertrand, Surnatural Orchestra, Daniel Gassin, Fabien Mary & The Vintage Orchestra, Sébastien Texier & Christophe Marguet, Dmitri Baevsky, Csaba Palotaï & Steve Argüelles et, pour finir Riviera.

 

 

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Hasse Poulsen : « Dream A World »

 

Avec Thomas Fryland (tp, bugle) le guitariste Hasse Poulsen signe un disque dont la musique est aussi claire et pleine de lumière que le message.
On sait depuis longtemps déjà le courage de ce musicien venu un jour de Copenhague et qui fait depuis longtemps déjà pleinement partie de notre univers. Le courage comme musicien mais aussi comme citoyen engagé. Engagé sans aucun doute, mais seulement pour la liberté. Et sans doute ne conçoit-il guère sa musique sans cette démarche. Et cette dernière sans être l’acte lui-même, celui de la musique, du chant, de l’improvisation. Avec son excellent compagnon Thomas Fryland il s’accorde pleinement. Et leurs musiques sont impeccables de clarté, portant en elles, à chaque instant un enthousiasme qui emporte.

 

« Dream A World » (label Das Kapital Records) commence avec les temps qui changent désormais, ceux de Dylan, ils se clôturent avec Louis Armstrong et Bob Thiele et un si beau monde. En passant par « El pueblo » de Sergio Ortega, Leonard Cohen et son « Hallelujah » (« Il y a une grâce de lumière dans chaque mot » dit le texte de ctte musique), l’Hymne à la joie de Schiller et Beethoven – rien de moins ! – Roger Waters, John Lennon, Boris Vian, Oscar Peterson…et quelques autres. Et des compositions signées Hasse Poulsen.

On peut se demander si cela fait un disque de jazz à proprement parler. Mais qu’est-ce donc qui serait propre au jazz ? (On pourrait d’ailleurs se souvenir ici que le mot « jazz », initialement, désigne plutôt quelque chose de « sale » – on se souviendra à ce sujet des lieux où sont les nés les premiers accords de cette musique, lieux qui n’étaient pas particulièrement « propres » aux yeux des bien-pensants ; mais bref…) Si ce qui fait le jazz c’est un « esprit » plutôt qu’une manière, qu’une façon déterminée une fois pour toutes de faire, de chanter, de composer, d’inventer, alors « Dream A World » est au contraire un enregistrement pleinement, entièrement, « jazz ». Et puis, qu’il le soit ou non, qu’en avons-nous à faire si cette musique est aussi belle que remplie d’espoir ?

 

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Mauro Gargano : « Feed »

 

La musique est sans doute une « nourriture ». Celle du bassiste Mauro Gargano et des autres membres du trio (le pianiste Alessandro Sgobbio et le batteur Christophe Marguet) est faite pour nous apporter bien plus qu’un instant de plaisir ou même d’évasion. Elle tend et tend ainsi à nous apporter quelque chose comme la force, le courage, l’énergie, les ressources qui font toute vie. C’est là une notion du partage qui mérite d’abord l’attention mais aussi, et au bout du compte, la reconnaissance. De la part des auditeurs que nous sommes. Entraînés ainsi cependant à être sans doute un peu plus : notre seule écoute devenant ainsi un échange. N’est-ce pas là tout ce que l’on peut attendre d’une invention, d’une création ? De la musique tout entière.

L’art du trio piano-basse-batterie est évidemment, dans l’univers du jazz, une référence. Comme telle pourtant, compte tenu de l’histoire qu’elle porte et emporte, l’assumer n’est pas si facile. Pour « Feed » (Diggin Music Prod/Absilone Socadisc) Mauro Gargano et ses amis sont allés chercher du côté de musiques aussi diverses et rares que celles de concertos pour piano de Prokofiev, de Craig Taborn, du rock de EL&P, de The Necks et Pat Metheny. Et aussi d’Ornette Coleman, Jim Black, The Bad Plus, Stefano Battaglia et bien d’autres. C’est hors des sentiers battus que se sont dessinées les voies de ce trio. Les emprunter avec lui, à ses côtés, c’est se nourrir d’une expérience nouvelle, souvent étonnante. Assurément passionnante. Elle se conclut sur un thème intitulé « Secret Garden » qui est, il faut le souligner, une improvisation dont les images variées ne cessent plus de surgir.

 

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David Tixier : « Because I Care »

 

Voici un autre trio piano-basse-batterie et l’on ne s’en plaindra pas tant cette « formule » est à la source des plus belles créations du jazz. Les trois protagonistes de « Because I Care » (Cristal Records/Believe – le tout en version digitale) sont couronnés de multitudes de prix prestigieux. Leurs techniques mais aussi leurs forces d’invention à eux trois sont époustouflantes. Le pianiste David Tixier est d’une habileté étourdissante. Jérémy Bruyère le bassiste hors normes que l’on connaît bien. Quant à Lada Obradovic que l’on avait vu dans « The Eddy », une série Netflix, il y a quelques mois, en batteuse de jazz au look punk et au caractère bien trempé – elle traversait l’écran – se révèle ici aussi fascinante, à la fois par sa « présence » et son originalité mais aussi par sa « discrétion » ce que d’autres « drummers » ignorent parfois un peu.

Restent les trois interventions du chanteur David Linx, lui aussi titulaire de nombreux et prestigieux prix. Comme, à titre personnel, je n’ai eu que peu d’occasions de l’apprécier véritablement, je suis obligé de souligner que cet enregistrement, sauf sur le plan de la notoriété peut-être, n’a pas vraiment gagné à inclure du jazz vocal dans son programme. D’autant plus qu’il semble que ces trois pièces ne soient pas parfaitement en harmonie avec l’esthétique du groupe.

Dont il faut dire en revanche qu’elle mérite le détour, je veux dire l’attention, toute l’attention. Car il y a ici une aventure qui s’annonce : complexe, multiple, d’une richesse magnifique.

 

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Pierre Bertrand : « Colors »

 

Le flûtiste et saxophoniste Pierre Bertrand a raison ! Les couleurs et les notes ont à voir ensemble. Pareillement ou presque. Lorsqu’on veut faire partager par les mots, par la langue parlée ou écrite, un tableau ou une musique on sait bien – les « critiques » ne font que ça ! – que l’on utilise les termes de la musique pour parler de peinture et réciproquement. Quand, évidemment, les deux vocabulaires ne se mêlent pas presqu’à chaque instant.

Pierre Bertrand (flûte, sax) a ainsi conçu une musique dont chaque thème s’appuie sur un tableau de l’un de ses amis, le peintre Jean-Antoine Hierro. Il nous offre ces huit pièces avec un groupe composé de André Bergcrantz (tp), Pierre-Alain Goualch (p, Fender Rhodes), Christophe Wallemme (b) et Laurent Robin (dm).

Après un premier thème parfaitement réussi, on peut se poser la question de savoir si la formule du quintet était la meilleure pour atteindre ce but. Question, il est vrai audacieuse lorsqu’on n’est pas musicien soi-même.

Pierre Bertrand a eu une intuition tout à fait passionnante : la musique et les couleurs ou peut-être plutôt la peinture, sont voisines, sœurs et peut-être même encore plus proches que cela – comment le dire ? – car c’est l’émotion qu’elles suscitent toutes deux qui en fait la richesse et la raison tout entière.

« Colors » (Cristal Records/Sony Music Entertainement) est plus qu’une leçon d’esthétique, tout simplement un beau moment de musique, pleins de rêves en couleurs multiples.

 

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Surnatural Orchestra : « Tall Man Was Here »

 

Voici un drôle de qualificatif pour un orchestre, celui qui consisterait à le considérer comme « surnaturel ». La musique (ou bien une certaine musique) ne serait pas « naturelle », de l’ordre de la nature. Ce sont les écologistes qui ne vont pas être contents. Ils devront peut-être surtaxer la musique et les musiciens et tous ceux qui en vivent. C’est-à-dire chacun de nous. Alors « surnaturel » ou peut-être comme « au bon vieux temps » « surréaliste » l’orchestre ? En fait, ce qui est bien c’est que l’on s’en moque. Parce que franchement, la musique elle nous transperce, elle nous fait vivre, elle est comme notre vie comme on disait plus haut, elle est la vie. Et s’il y a bien un orchestre qui nous le montre avec une énergie et une inventivité un peu provocatrice et donc, précisément, vivifiante, c’est le « Surnatural ». Un peu, comme en son temps, en d’autres temps, lointains, il y a plus de quarante ans, un demi-siècle même peut-être, le déjanté, rigolard, mais si inventif, si « bouleversant » « Wilhem Breuker Orchestra ». « Bouleversant » et donc « Surnatural » avant la lettre en quelque sorte. En préfiguration. Même si ici « Tall Man Was Here » (Collectif Surnatural) est bien de son temps, d’aujourd’hui s’il faut le dire pour que l’on comprenne bien qu’il ne s’agit pas d’un quelconque « revival » d’une musique d’une époque révolue. D’ailleurs – et c’est un autre point commun avec Wilhem Breuker » – il y a ici une dimension théâtrale, voire même littéraire. Qui est bien plus structurée que chez ce prédécesseur (il y en eut d’autres). Il y a chez « Surnatural » du drame, de la tragédie et donc, de la « comédie ». Dans la musique comme dans sa mise en scène, en œuvre, en joie, en vie.
Il est à noter que « jouer collectif » développe l’imagination et la création. Ainsi, ce n’est peut-être pas essentiel, mais c’est néanmoins quelque chose de très heureux et qu’il faut souligner : le Cd est présenté dans une belle boîte en bois, toute noire. A l’intérieur, outre le livret et le disque, on pour utiliser la craie blanche pour écrire sur la boîte comme au tableau des écoles d’autrefois et apporter ainsi sa propre pierre à cet édifice où l’enthousiasme domine.
Pour connaître le nom des musiciennes et des musiciens, toutes et tous « surnaturel.l.es », il faudra aller sur le site www.surnaturalorchestra.com

 

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Daniel Gassin : « Change Of Heart »

 

Le pianiste Daniel Gassin est un personnage multiple. S’il est à la fois américain par sa mère il est français par son père. Mais il a grandi en Australie. Il est musicien mais il est aussi avocat et s’il est aujourd’hui en France il a débuté sa carrière à Melbourne. Pour autant sa musique, celle que l’on découvre ici dans « Change Of Heart » (Jazz Family/Socadisc) n’a rien de véritable étrange, étrangère encore moins. Même si elle est mêlée d’influences multiples, ce qui n’a rien d’étonnant, on en conviendra aisément avec un tel parcours. Daniel Gassin a surtout réussi cet enregistrement avec la présence de l’étonnante chanteuse new yorkaise Alicia Moses qui apporte ici des couleurs singulières soulignées souvent par l’excellent guitariste Josiah Woodson. Damien Françon et Fabricio Nicolas-Garcia tiennent respectivement la batterie et la basse et complètent ainsi une formation très homogène et structurée. Brillante souvent, notamment, il faut le redire, du fait de la guitare et du charme maîtrisé, mesuré des parties chantées. Comme de la belle articulation du piano de Daniel Gassin. Une version délicate du « Naima » de Coltrane répond à merveille aux belles compositions du leader.

 

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Fabien Mary and The Vintage Orchestra : « Too Short »

 

Un big band comme on n’en fait plus ! C’est à peu près ainsi que l’on pourrait définir ce « Too Short » de Fabien Mary. Lequel ? De Buddy Rich, de Gil Evans ou de Thad Jones & Mel Lewis par exemple. Mais sans doute que des spécialistes pourraient contredire ces références. Il faudrait demander à Fabien Mary (tp, compositions, arrangements) et peut-être à ses acolytes du Vintage Orchestra (dirigé par Dominique Mandin), Michael Ballue, Jerry Edwards, Florent Gac, Michael Joussein, Malo Mazurié, Andrea Michelutti, David Sauzay, Thomas Savy, Olivier Zanot et Yoni Zelnik. Qui sonnent comme s’ils étaient deux fois plus nombreux.

« Too Short » (Jazz &People/Pias) nous offre une musique faite d’enthousiasme et qui est effectivement « vintage », qui sonne comme « au bon vieux temps » des grands orchestres que la crise économique avait contribué à faire plus ou moins disparaître, ouvrant ainsi une brèche que les »combos » et autres duos, trios et autres quartets ont alors comblé.

En tout état de cause Fabien Mary, le Vintage Orchestra et ce « Too Short » suscitent ou ressuscitent des émotions jamais éteintes.

 

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Sébastien Texier & Christophe Marguet : « We Celebrate Freedom Fighters »

 

On aura compris que le titre de cet album, « We Celebrate Freedom Fighters » (Cristal Records/distribution digitale Believe) recouvre une musique-programme. Dont le but est de rendre hommage en l’occurence à dix personnalités qui ont combattu toute leur vie et sans relâche à la liberté.

Un tel « projet » a ceci de risqué c’est qu’il veuille trop en dire. Qu’il prétende décrire quelque chose, que la musique ait comme l’ambition de parler avec des mots, de raconter quelque chose, de « dire ». Ceci ou cela.
Mais on peut être assuré qu’il n’est rien de cela ici. Chacun des onze thèmes (dix sont dédiés aux héros de la liberté choisis par Sébastien Texier et ses amis, le onzième est, disons, « collectif », s’adressant à eux tous.

On comprendra donc que la musique qui nous est offerte ici est une musique de liberté, qui chante la liberté et peut-être encore davantage la libération. Qui n’est sans doute rien d’autre que le fondement de la liberté elle-même.
On ne peut pas ne pas citer les dix « figures » qui ont été retenues par les musiciens. Ce sont Claudia Anjar, Aimé Césaire, « l’inconnu de Tian’anmen », James Baldwin, Louis Coquillet, Gisèle Halimi, Rosa Parks, Sitting Bull, Olympe de Gouges et Simone Weill. Il n’y a aucun intérêt à analyser ce choix. Ce qui importe c’est de l’avoir accompli avec la même certitude – on peut sans doute employer ce terme – que Sébastien Texier (as, cl), Christophe Marguet (dm), Manu Codja (el g) et François Thuillier (tuba) s’impliquent dans leur musique, dans la musique.

 

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Dmitry Baevsky : « Soundtrack »

 

Quel est dans l’univers du jazz l’instrument qui peut être le plus élégant, le plus fin, le plus subtil et permettre aussi toutes les inventions ? Je répondrais qu’il s’agit du saxophone alto. Regardons son histoire et on devrait en être convaincu. Bien sûr on pourrait répondre autrement et peut-être même par le ténor. Tout dépend des références que l’on prendra. Peut-être aussi de la façon dont nous écoutons, dont nous entendons, de notre histoire personnelle et pas seulement musicale.
Et, s’il y a bien aujourd’hui un altiste qui peut nous enchanter c’est Dmitry Baevsky. Sans doute n’a-t-il pas à ce jour inscrit encore son nom dans la grande histoire du jazz. Mais est-ce même bien nécessaire ? Au cas où il n’aurait ni la volonté de le faire, ni l’occasion, ni même, disons la dimension, franchement il me semble que l’on peut bien se moquer de tout ça. Et même peut-être est-ce dans une certaine mesure nécessaire pour apprécier sa musique comme il se doit, c’est-à-dire tout simplement telle qu’elle s’offre à nous. Dans sa simplicité, sa clarté, sa beauté spontanée, elle est là tout simplement. Et c’est cela qui est important. Souvenons-nous de Paul Desmond ? Avec ou sans Dave Brubeck. Dont on a dit et écrit beaucoup de mal. Parfois avec quelques raisons. Mais nul n’est parafait. Sauf qu’une certaine légèreté est un don rare. Et que la musique de « Soundtrack » (Fresh Sound Records/Socadisc) est de celles-ci. Légère sans doute, non pas comme une petite chose en passant, comme quelque chose sans importance, qui n’aurait pas de sens, mais comme un nuage dans un ciel clair, dessinant un paysage qui apparaît et puis s’efface bientôt, comme une fleur qui bientôt disparaîtra, toutes choses qui sont les bonheurs du monde.
Dmitry Baevsky a déjà derrière lui un long et très beau parcours. Parce que jouer avec Benny Green ou Jeremy Pelt ou Cedar Walton n’est pas donné à tout le monde. Et ceux qui l’accompagnent ici sont de la même « trempe » : Jeb Patton (p) qui, lui, a joué avec les Heath Brothers, David Wong (b) et Pete Van Nostrand (dm). Un si beau moment de musique. Faite pour rêver ou pour vivre. Ce qui est sans doute la même chose.

 

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Csaba Palotaï & Steve Argüelles : « Cabane Perchée »

 

Voici un enregistrement extraordinaire. Cette musique qui nous est ici offerte ne ressemble, à dire vrai, à rien. Ou à pas grand chose. Ou à peu de choses…

Il s’agit pourtant ‘une « adaptation », « transformation », « transcription », « recomposition » d’une partie des œuvres de Bela Bartok connues sous le nom de « Mikrokosmos » qui sont des études destinées aux pianistes. Pour autant les voici bouleversées, revisitées au point d’être chamboulées, renouvelées, réinventées. Et, comme elles-mêmes étaient déjà une sorte de synthèse, venues d’horizons divers, d’Europe centrale ou d’Amérique, de la musique de Bach ou du jazz on peut comprendre que cette « Cabane perchée » (BMC Records/Socadisc)a quelques portes et fenêtres qui, au travers des frondaisons, s’ouvrent sur plusieurs clairières.
Et, oui cette musique est souvent étrange. Mais voilà, elle n’est jamais « étrangère » – je veux dire « lointaine », inatteignable, comme si elle ne nous concernait pas. C’est tout le contraire. Chaque fois que le guitariste Csaba Palotaï, d’orignie hongroise (comme quelques autre bien connus, notamment en France, tels Elek Baksik, Gabor Szabo ou Gabor Gado aussi qui fut l’une des influences de Palotaï) – d’où sans doute la référence à Bartok – chaque fois qu’il développe un accord, une ligne mélodique, il nous envoie ad patres, à l’autre bout du monde. Quant à Steve Argüelles, lui aussi jouant ici de la guitare (et bien sûr de ses percussions ici toujours acoustiques, comme toutes les guitares de cet enregistrement), il n’est pas en reste, on s’en doute.
C’est ainsi que cette « Cabane perchée » nous offre une musique qui, non seulement ne provient pas de contrées lointaines, lointaines dans l’espace ou dans le temps, dans la culture ou les habitudes, mais au contraire du plus profond d’entre-nous.

 

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Riviera

 

Un seul titre ou un seul nom : le même et un seul pour désigner un quartet et son enregistrement de treize titres originaux. Aux influences venues de la musique tzigane, des Balkans, de la Sicile (sur un thème d’Ennio Morricone), du ska, du jazz, du blues et, au final, de tous les horizons. Et, tout cela, avec une esthétique épurée, toujours séduisante, parlant au cœur, et disant de la beauté qu’elle est toujours là si l’on y prête attention. Attention, précaution, comme le font les quatre protagonistes de ce disque qui est bien plus que quelques pièces qui ne seraient que douées d’une beauté, d’une forme pourrait-on dire, mais qui ont ce mérite de nous parler, de nous faire partager les émotions qui les ont fait naître. Le tout étant entre les mains de musiciens qui maîtrisent assurément leurs techniques, qui s’écoutent parfaitement, juste ce qu’il faut pour créer un ensemble, c’est-à-dire un groupe dont chaque membre soit assuré de l’autre mais pas parce qu’ils ne se seraient rendus sourds à ce qui les entoure. C’est tout l’inverse : parce qu’ils veulent s’adresser à nous et parce qu’ils nous parlent.
Il faut ici souligner la qualité, l’originalité et les couleurs multiples qui jaillissent avec bonheur des compositions du contrebassiste Stéphane Bularz et du violoniste alto (et aussi joueur de mandoline ou organiste) Olivier Samouillan (un ancien de la Berklee School Of Music de Boston, passé aussi par New York et plus extraordinairement par l’orchestre philharmonique de Macédoine). Le groupe Riviera (ici pour le label Art Mélodies/Absilone) est aussi composé de deux autres excellents interprètes, le guitariste (acoustique et électrique) Jérémie Schacre et du batteur Guillaume Chevillard.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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